Mobilisation des connaissances par la co-création

Par: Sophia Kousiakis,Terje Aksel Sanner Posted: 23 juin 2023

Dans cette série de blogues, nous mettons en lumière les leçons tirées des projets de recherche appliquée sur le positionnement des données probantes en vue de leur utilisation pour la mobilisation des connaissances dans le cadre du Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE). Consultez les autres blogues de cette série ici.

La co-création de valeur au moyen d’une conception, d’une configuration et d’une mise en œuvre participative dans le cadre de ce projet de recherche appliquée soutient un repositionnement des Systèmes d’Information pour la Gestion de l’Éducation (SIGE) afin qu’ils soient orientés vers les personnes utilisatrices et les services plutôt que définis par des structures hiérarchiques lourdes. La participation à la conception de systèmes d’information à tous les échelons est inhérente à un renforcement utile et durable des SIGE. L’accent mis sur la réciprocité garantit des processus d’apprentissage mutuels, l’échange d’idées nouvelles et la cocréation de connaissances pratiques et théoriques qui peuvent être mutualisées bien au-delà des projets et des frontières.

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Source: Ministry of Basic and Secondary Education, The Gambia

Le Centre HISP de l’Université d’Oslo (UiO) possède 30 ans d’expérience en matière de renforcement des systèmes d’information, qui se sont concrétisés par un écosystème dynamique autour d’une plateforme numérique à code source ouvert, le système DHIS2. Depuis 2019, le système DHIS2 a été adopté dans le secteur de l’éducation en Gambie, en Ouganda, au Togo, au Mozambique, au Sri Lanka et au royaume d’Eswatini. Le projet Innovations en matière d’utilisation des données pour les systèmes d’information sur la gestion de l’éducation en Gambie, en Ouganda et au Togo fait partie du Programme Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), une initiative conjointe avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada. En s’appuyant sur une innovation qui a fait ses preuves dans le secteur de la santé, ce projet vise à renforcer la demande d’utilisation des données à tous les échelons du système éducatif.

La conception participative, les logiciels libres, l’autonomisation et l’appropriation locale au moyen de la décentralisation, ainsi que le partage des connaissances et de l’innovation sont restés des idéaux majeurs du HISP.

L’écosystème du HISP est composé de partenaires de longue date dans le développement et la mise en œuvre du système DHIS2. Les groupes du HISP assurent la liaison avec les ministères et sont dirigés par des personnes expertes du système DHIS2, dont plusieurs ont suivi des programmes de doctorat et de maîtrise relatifs au système DHIS2 ou aux systèmes d’information à l’Université d’Oslo ou dans des universités partenaires. Les groupes sont composés de responsables de la mise en œuvre, de personnes chargées du développement et de la formation expérimentées qui soutiennent des projets nationaux, régionaux et internationaux. Les partenariats universitaires ont joué un rôle central dans le développement des capacités humaines nationales afin de concevoir, mettre en œuvre et maintenir le système DHIS2 dans plus de 70 pays, dans des contextes où les ressources humaines spécialisées sont rares.

Le HISP se concentre sur le renforcement des capacités de mise en œuvre et de configuration au sein des ministères, idéalement en collaboration avec les universités locales – il s’agit essentiellement d’une approche en réseau du renforcement des capacités. L’objectif est qu’un personnel national s’approprie et utilise la plateforme du système DHIS2 afin de configurer et maintenir son propre système, en adaptant les innovations à son contexte et en participant à la co-création de services de systèmes d’information pour soutenir les personnes utilisatrices finales. Cette capacité stimule la production de connaissances et l’innovation dans l’écosystème qui est détenu par le gouvernement et répond aux besoins locaux.

Dès le début, le système DHIS2 a mis l’accent sur la fourniture « d’informations pour l’action », ce qui souligne la nature localisée de la réalisation de la valeur au moyen de l’utilisation locale.

Mobilisation des connaissances dans le cadre d’un projet de recherche-action

L’approche du projet comprend une recherche-action sur la façon de créer des mises en œuvre du SIGE résilientes et rentables, en travaillant en étroite collaboration avec les ministères de l’Éducation et en mettant l’accent sur l’utilisation considérable des données pour la prise de décision dans des districts et des écoles sélectionnés. Nous concevons la recherche-action comme une co-création de connaissances entre deux groupes : chercheures et chercheurs, ainsi que praticiennes et praticiens. L’apprentissage mutuel est au cœur de ce programme et implique l’établissement d’un vocabulaire commun pour la création de sens entre les disciplines. Cela permet de déterminer conjointement une situation problématique et de co-créer une solution, afin de résoudre des problèmes pratiques et de générer des connaissances.

Les efforts continus de renforcement des SIGE sont rendus possibles par des investissements à long terme dans les capacités locales et les ressources communautaires qui réduisent la distance entre la conception et l’utilisation des logiciels. En suivant une approche participative, l’accent est mis sur une collaboration étroite avec les fonctionnaires du ministère, les gestionnaires et les personnes utilisatrices finales pour soutenir le renforcement des systèmes d’information conformément aux priorités locales, en créant de solides composantes de formation et de renforcement des capacités avec des liens importants entre les établissements d’éducation et de recherche, comme les universités locales, afin de garantir la durabilité.

Grâce à l’approche de la recherche-action et du renforcement des capacités locales, le projet implique les parties prenantes dans tous les aspects de la recherche, de la collecte des données à l’analyse, l’interprétation et la diffusion. Un large éventail de parties prenantes est impliqué dans la co-création : étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat, chercheures et chercheurs confirmés, praticiennes et praticiens à tous les échelons du système éducatif (de l’échelle nationale à l’échelle de l’école), personnes chargées du développement, qu’elles soient locales ou internationales, conceptrices et concepteurs et partenaires du consortium.

En Gambie, une étudiante au doctorat résidente, basée au ministère de l’Éducation de base et secondaire (MoBSE), arrime la politique à la pratique en suivant la réorientation d’un SIGE traditionnel vers un traitement et une analyse des données plus granulaires à l’échelle individuelle. Le HISP de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, en collaboration avec le MoBSE, a conçu un module individuel pour l’élève qui consigne ses données bio-socio-économiques, son historique d’assiduité, son évaluation continue et ses antécédents disciplinaires.

Avec une doctorante résidente qui se concentre sur l’autonomisation des districts en Ouganda, le projet fournit des données probantes sur la façon dont la décentralisation du SIGE peut soutenir les processus de gestion des données à l’échelle du district et impliquer les équipes du district à produire des données opportunes et fiables pour une prise de décision basée sur des données probantes. Le HISP de l’Ouganda, en collaboration avec le ministère de l’Éducation et le ministère de la Santé, a mis au point un modèle de districts d’excellence, qui implique les partenaires dans le développement de solutions afin d’améliorer la qualité et l’utilisation des données en vue d’une planification des actions et d’une amélioration de la prestation des services à l’échelle du district. Le modèle soutiendra les liens intersectoriels entre l’éducation et la santé, contribuant ainsi directement au Plan de développement national III.

Le MoBSE de Gambie a accueilli la première Académie du système DHIS2 pour l’éducation, à laquelle ont participé 8 ministères de l’Éducation et leurs partenaires, représentant en tout 113 personnes. Les pays qui mettent en œuvre le système DHIS2 dans le secteur de l’éducation ont échangé les innovations locales développées pour résoudre les défis et ont tenu des discussions sur la façon d’améliorer l’utilisation des données à plusieurs échelons du système éducatif. L’un des points forts de l’Académie a été le communiqué commun reconnaissant la nécessité et l’engagement des partenaires à travailler en tandem et en complémentarité les uns avec les autres.

Résultats émergents

Le projet a contribué à mettre en évidence la nécessité de reconnaître le rôle vital de l’échelon administratif local dans l’harmonisation des objectifs politiques avec les réalités opérationnelles sur le terrain. À cet égard, il y a encore beaucoup à apprendre du secteur de la santé.

Afin de contribuer au développement d’une main-d’œuvre qualifiée en matière de SIGE, l’Université de Gambie, le MoBSE et l’UiO ont formé un partenariat afin de mettre en place un programme de maîtrise en systèmes d’information, avec une spécialisation en gestion de l’éducation à l’Université de Gambie.

Les gouvernements soutiennent également les activités et les nouvelles possibilités de mise à l’échelle déterminées par les ministères de l’Environnement et les ONG locales. L’engagement du gouvernement à mettre à l’échelle les innovations, en particulier la surveillance scolaire de la COVID-19 et de l’Ebola en Ouganda et l’introduction de profils d’élèves au Togo, a été positif.

En Gambie, pour la première fois, le MoBSE est en mesure de s’appuyer sur des données individuelles permettant l’identification pour les interventions relatives aux besoins particuliers, conformément à la politique appelant à une planification éducative individualisée pour les enfants ayant des besoins spéciaux dans les écoles. Le module d’inscription individuelle a permis de sélectionner et de classer facilement les élèves ayant des besoins particuliers au moment de l’admission. Auparavant, les données du SIGE contenaient des données globales sur les besoins spéciaux, ventilées par genre et par groupe de besoins particuliers.

Les gouvernements se montrent disposés à présenter des suggestions concernant les politiques relatives au SIGE issues des activités du projet, par exemple l’inclusion de lignes budgétaires et de descriptions du rôle des statisticiennes et statisticiens de district de l’éducation en Ouganda.

Enfin, grâce à la production de documents de sensibilisation sous la forme de fiches d’information par pays, de documents de référence et d’une participation accrue aux panels et forums, nous constatons un intérêt et une adoption accrus de la part de nouveaux pays. Un exemple récent est la mise en œuvre à l’échelle nationale dans le royaume d’Eswatini.

Étant donné que le projet interagit directement avec les parties prenantes à l’échelle nationale et donne la priorité au renforcement des capacités de l’équipe centrale nationale, il y a eu une réflexion ouverte sur les services qu’il est possible d’offrir à l’échelle de l’école et de la communauté dans le cadre d’un SIGE national dans des environnements à faibles ressources. Souvent, les possibilités de renforcement du SIGE se perdent dans des précisions préconçues, complexes et trop ambitieuses, des exigences du système. Les projets de conception participative et de recherche-action impliquant des personnes chargées du développement, des responsables de la mise en œuvre, des chercheures et chercheurs, des gestionnaires et des personnes utilisatrices finales peuvent aider à cerner les occasions émergentes et les « fruits mûrs » afin d’obtenir des résultats.