Développement professionnel continu du personnel enseignant et des chefs d’établissement : Analyse des données clés pour une éducation de qualité en Afrique subsaharienne
Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, les pays s’efforcent d’assurer la qualité de leurs systèmes d’éducation, qui est mesurée par le taux de réussite des élèves en matière d’apprentissage. La qualité de l’éducation dépend de nombreux facteurs, et ce sont le personnel enseignant et les chefs d’établissement qui se profilent comme les principaux agents de changement. Alors que les enseignants et enseignantes jouent un rôle essentiel dans l’évolution des résultats scolaires, un bon nombre de ceux-ci n’ont pas la formation nécessaire pour assurer un apprentissage efficace chez les enfants. Il est donc urgent d’accorder la priorité au perfectionnement professionnel du personnel enseignant et à la compétence en matière de direction scolaire. Des recherches dans le domaine mettent clairement en évidence l’influence du perfectionnement professionnel du personnel enseignant sur l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage, tandis qu’une direction scolaire compétente contribue de manière importante à rehausser la croissance professionnelle du personnel enseignant sur le plan institutionnel (Hasha et Wadesango, 2020; Taylor et coll., 2017; Nooruddin et Bhamani, 2019; Glewwe et coll., 2011).
Dans le cadre du deuxième Symposium continental du programme GPE KIX pour les Pôles Afrique KIX 19 et Afrique KIX 21, tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, du 3 au 5 octobre 2023, des méthodes et stratégies pour produire, analyser et utiliser des données sur les systèmes d’éducation, dans le but de promouvoir des systèmes éducatifs résilients, inclusifs et plus performants en Afrique subsaharienne, ont été présentées. Le symposium a réuni plus de 280 intervenants et intervenantes du secteur de l’éducation de 40 pays africains et a donné lieu à plus de 90 présentations sur des sujets comme les bonnes pratiques en matière de production et d’analyse de données sur le personnel enseignant et les élèves, le renforcement des systèmes d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE) et des méthodes de collecte inclusives et équitables pour recueillir des données auprès des populations marginalisées.
Nous avons toutes deux participé au symposium en tant que chercheuses, présentatrices et rapporteures. Nous participons actuellement au perfectionnement professionnel du personnel enseignant au Rwanda et à la coordination du secteur de l’éducation par l’intermédiaire du gouvernement fédéral d’Eswatini. Les personnes ayant participé au symposium ont reconnu l’aspect indispensable des normes professionnelles, des compétences et des possibilités de perfectionnement pour le personnel enseignant et la direction scolaire dans nos propres pays et dans toute l’Afrique subsaharienne. Le symposium, qui coïncidait avec la Journée mondiale des enseignants, a mis en lumière des recherches récentes faites par des chercheurs et chercheuses d’Afrique ainsi que des expériences novatrices menées sur le continent africain en vue d’améliorer les normes professionnelles, la formation du personnel enseignant et les conditions de travail des éducateurs et éducatrices.
Alors que le paysage éducatif de l’Afrique subsaharienne se transforme rapidement, les chefs d’établissement doivent créer des milieux d’enseignement et d’apprentissage favorables et investir dans des possibilités de formation professionnelle de qualité pour le personnel enseignant et les chefs d’établissement, et ce, dès leur période d’intégration. Le perfectionnement professionnel continu (PPC) du personnel enseignant et des chefs d’établissement tout au long de leur carrière reste essentiel, s’appuyant sur l’expérience et l’apprentissage réflexif pour améliorer les connaissances et les compétences. Une école fonctionne essentiellement comme une communauté d’apprentissage, dans laquelle les normes en matière de leadership favorisent l’apprentissage continu, offrant ainsi un milieu propice à la croissance tant du nouveau personnel enseignant que des enseignants et enseignantes d’expérience (VVOB Rwanda, 2023).
La recherche démontre systématiquement l’influence positive du perfectionnement professionnel du personnel enseignant sur les résultats des élèves et les pratiques pédagogiques. Un PPC efficace incite les éducateurs et éducatrices à persévérer dans leurs rôles, tout en favorisant une culture scolaire positive et une amélioration continue (Uworwabayeho, A. et coll., 2020). Afin d’assurer l’efficacité du PPC, il est essentiel de mobiliser et de motiver les éducateurs, tout en encourageant une attitude de croissance qui favorise le développement continu des connaissances et des compétences (Germuth, 2018).
Des exemples du Rwanda illustrent la faisabilité du perfectionnement professionnel continu pour le personnel enseignant et les chefs d’établissement. Depuis des années, la formation continue du personnel enseignant rwandais est le fruit d’une collaboration entre le gouvernement, les universités et des organisations multinationales telles que VVOB – l’éducation au service du développement – en partenariat avec le Rwanda Basic Education Board (REB), le National Examination and School Inspection Authority (NESA) et l’University of Rwanda College of Education (UR-CE). Les interventions dans le domaine du PPC des chefs d’établissement ont été précédées par la mise en place du cadre national de PPC.
Ces programmes de PPC utilisent le modèle de leadership partagé : ils s’adressent collectivement aux chefs d’établissement en leur offrant un cours diplômant (CPD Diploma in Effective School Leadership); aux intervenants et intervenantes en éducation (les mentors en milieu scolaire) qui jouent également un rôle de leadership au sein de l’école et aux responsables de secteur et de district qui soutiennent les chefs d’établissement (CPD Certificate in Educational Mentorship and Coaching). Ces programmes visent à améliorer les aptitudes et les compétences des responsables de l’éducation dans les écoles et à divers niveaux du système d’éducation, dans le but d’améliorer la qualité de l’enseignement en s’attaquant au redoublement, à l’abandon scolaire et aux écarts d’équité dans les résultats d’apprentissage des élèves. Ces programmes de PPC ont été dispensés en face à face ou en personne, mais pour réduire le coût de l’apprentissage traditionnel en personne, une composante innovante d’apprentissage en ligne (une modalité de prestation mixte des programmes de PPC) est en cours de mise en œuvre.
En Eswatini, le PPC est lié au renforcement et à la gestion des données au niveau de l’école. Il comprend une formation des directeurs et directrices d’école, offerte par le département de SIGE du ministère de l’Éducation et de la Formation, qui porte sur le nouveau système à code PIN nommé DHIS2, qui a pour objectif d’assurer la saisie des données en temps réel. Cette formation est aussi mise à la disposition d’un enseignant focal par école. Il y a aussi la politique nationale du secteur de l’éducation et de la formation 2018 et le plan stratégique du secteur de l’éducation 2022-2034 qui prévoient une formation en cours d’emploi (INSET) offerte aux membres de la direction et au personnel enseignant, qui porte sur la mise en œuvre des programmes d’études, la gestion financière, les ressources humaines et la gestion de l’enseignement. Au personnel enseignant, l’INSET offre principalement une formation sur le programme, le contenu et la maîtrise pédagogique. Essentiellement, tous les membres de la direction sont responsabilisés par l’INSET de différentes manières, en fonction de leurs besoins. Ces interventions sont accessibles aux chefs d’établissement et au personnel enseignant déjà en poste.
Le service d’orientation et de conseil du ministère renforce la capacité du personnel enseignant à favoriser des milieux d’apprentissage sécuritaires grâce au cadre de soins et de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage. Ce cadre vise les compétences nécessaires à la vie courante, y compris des composantes de soutien psychosocial, de santé mentale, de violence genrée, etc., et s’adresse à la fois aux chefs d’établissement et au personnel enseignant. Ce service ministériel, en collaboration avec INSET, offre aussi une formation aux directeurs d’école nouvellement nommés, qui est axée sur les plans de développement de l’école conformément au cadre de soins et de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage.
Le PPC se heurte toutefois à certaines difficultés, comme le manque de ressources, la hiérarchisation des priorités et l’utilisation des données pour l’amélioration des programmes. La collecte et la gestion des données sont inutiles si ces données ne sont pas diffusées à temps pour que les décideurs politiques puissent les utiliser alors qu’elles sont toujours pertinentes et actuelles. Il y a également une pénurie d’analystes de données qualifiés qui peuvent décomposer les données pour les transformer en un message clair, prêt à être compris et utilisé par les décideurs politiques. La plupart des responsables des orientations politiques ne sont pas des chercheurs spécialisés et ont besoin d’aide pour interpréter les données et comparer les résultats.
Les contraintes de temps et l’allocation des ressources entravent également le plein potentiel du PPC. Les éducateurs et éducatrices éprouvent des difficultés à trouver du temps pour le perfectionnement professionnel en raison de leur emploi du temps chargé, tandis que des ressources inadéquates, notamment le financement et l’accès aux programmes de formation, nuisent à la mise en œuvre efficace du PPC. Pour relever ces défis, les écoles doivent offrir des possibilités d’apprentissage souples et faire de l’investissement dans le perfectionnement du personnel une priorité.
Les gouvernements africains doivent accorder la priorité à l’augmentation du financement du PPC pour le personnel enseignant et les chefs d’établissement ainsi qu’à la mise en place de robustes systèmes d’information de gestion du personnel enseignant (TIMS). Cet investissement est crucial, car le PPC n’est pas seulement une obligation professionnelle, mais un catalyseur de l’excellence en matière d’éducation. L’adoption du PPC crée une culture permanente d’apprentissage, d’innovation et d’adaptabilité chez les éducateurs et éducatrices, garantissant ainsi un système éducatif mieux informé et plus résilient.
Les chercheurs et chercheuses et les intervenants et intervenantes du domaine des orientations politiques qui assistaient au deuxième Symposium continental KIX ont aussi constaté que le PPC ne pouvait être amélioré à l’échelle nationale sans une plus grande collaboration entre les gouvernements, les chefs d’établissement, le personnel enseignant et les chercheurs et chercheuses. Ces personnes ont reconnu que pour améliorer la qualité de l’éducation, il fallait établir des forums à divers niveaux administratifs pour échanger des données sur les meilleures pratiques, les défis et les stratégies concernant le PPC du personnel enseignant et des chefs d’établissement. En Afrique subsaharienne, où des réformes et des innovations dynamiques sont en cours dans le domaine de l’éducation, les données doivent jouer un rôle de premier plan pour éclairer et mener ces initiatives. Malgré des efforts de recherche considérables, l’utilisation efficace des données de recherche par les responsables des orientations politiques et les responsables de leur mise en œuvre reste inadéquate en raison de l’insuffisance des systèmes de gestion des données dans de nombreux pays africains. L’amélioration de la production, de l’analyse et de l’utilisation des données est une priorité pour renforcer les systèmes d’éducation de la région pour qu’ils soient résilients, inclusifs et plus performants.
Références :
Germuth, A. A., « Professional Development that Changes Teaching and Improves Learning », Journal of Interdisciplinary Teacher Leadership, 1 (3), p. 77-90, 2018. https://doi.org/10.46767/kfp.2016-0025
Glewwe, P., Hanushek, E., Humpage, S. et Ravina, R., « School resources and educational outcomes in developing countries: a review of the literature from 1990 to 2010 », National Bureau of Economic Research Working Paper 17554, 2011. (www.nber.org/papers/w17554.pdf).
Hasha, R. et Wadesango, N., « Exploring the influence of educators’ continuous professional development programmes in enhancing students’ achievement in South African schools », African Journal of Gender, Society and Development (anciennement Journal of Gender, Information and Development in Africa), 9 (2), 2020. https://journals.co.za/doi/10.31920/2634-3622/2020/9n2a7
Nooruddin, S. et Bhamani, S., « Engagement of School Leadership in Teachers’ Continuous Professional Development: A Case Study », Journal of Education and Educational Development, 6 (1), 2019. https://doi.org/10.22555/joeed.v6i1.1549
Taylor, J. A., Roth, K., Wilson, C. D., Stuhlsatz, M. A. M., et Tipton, E., « The Effect of an Analysis-of-Practice, Videocase-Based, Teacher Professional Development Program on Elementary Students’ Science Achievement », Journal of Research on Educational Effectiveness, 10 (2), 2017. https://doi.org/10.1080/19345747.2016.1147628
Uworwabayeho, A., Flink, I., Nyirahabimana, A., Peeraer, J., Muhire, I., Ntwali, G.A., « Developing the capacity of education local leaders for sustaining professional learning communities in Rwanda », Journal of Social Sciences et Humanities Open, 2 (1), ep 100092, 2020.