Rapprocher différents modes de connaissance dans les systèmes éducatifs

Par: James Georgalakis Posted: 23 juin 2023

Dans cette série de blogues, nous mettons en lumière les leçons tirées des projets de recherche appliquée sur le positionnement des données probantes en vue de leur utilisation pour la mobilisation des connaissances dans le cadre du Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE). Dans ce blogue de synthèse, James Georgalakis, directeur des données probantes et de l’impact à l’Institut d’études du développement (IDS), évoque les leçons tirées des projets de recherche appliquée du KIX et réfléchit à la façon dont d’autres peuvent apprendre des expériences de mobilisation des connaissances du KIX. Consultez les autres blogues de cette série ici. 

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Source: GPE/Kelley Lynch

Ce qui est le plus frappant dans les études de cas présentées dans le cadre du Programme Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), une initiative conjointe avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, c’est qu’elles remettent systématiquement en question les idées les plus traditionnelles au sujet de l’utilisation de la recherche. Alors que pendant longtemps les conseils aux chercheures et chercheurs se sont concentrés sur la communication des résultats et sur la réduction du fossé entre les chercheures et chercheurs et les personnes utilisatrices de la recherche, le KIX démontre que ce modèle n’est pas réaliste.

Nous observons plutôt des processus de changement à plusieurs échelons, hautement interactifs et continus qui brouillent les frontières entre les personnes qui produisent la recherche et les personnes utilisatrices de données probantes dans les systèmes éducatifs. Nous ne devrions peut-être pas être surpris, étant donné que les approches de l’éducation fondée sur des données probantes dans les pays du Sud sont à la pointe de l’innovation en matière de mobilisation des connaissances.

Mobilisation des connaissances sur plusieurs niveaux et directions

En Asie du Sud, le projet ‘Une approche multimodale pour le perfectionnement professionnel des enseignants dans des contextes faibles ressources’ (MAPTD) a nécessité un processus hautement interactif impliquant le personnel enseignant, des formatrices et des formateurs, des ONG, des parties prenantes politiques et des chercheures et chercheurs. Les groupes se réunissent autour d’un programme commun, mais avec des comportements, des cultures institutionnelles et des responsabilités qui leur sont propres. Il n’y a pas de démarcation claire entre les personnes qui produisent la recherche et les personnes utilisatrices de la recherche. Il s’agit d’un processus non linéaire fondé sur la confiance et façonné au moyen de l’apprentissage mutuel. De même, l’organisme CAMFED s’est mobilisé à plusieurs échelons en Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe, afin de piloter et promouvoir le mentorat des jeunes dans les écoles. Une cartographie approfondie des parties prenantes a permis de cerner celles de l’administration locale et du gouvernement national dont la participation était essentielle au succès de l’opération. Les relations ont été formalisées au moyen de protocoles d’accord et de comités consultatifs afin de garantir une participation continue à ce qui est désormais devenu un parcours d’apprentissage.

L’efficacité de la mobilisation locale dans le cadre de ces projets, avec le personnel enseignant, les élèves et l’administration locale, a influencé et a été influencée par la mobilisation nationale avec les décisionnaires politiques. Comme le dit l’équipe de l’organisme World Vision, qui travaille avec des réseaux communautaires au Ghana, il s’agit d’un effort collectif. La mobilisation des connaissances est un exercice de création de sens entre les disciplines, les secteurs et les zones géographiques. Cette capacité à travailler entre les ministères, la recherche et la pratique, ainsi qu’à l’échelle locale et nationale, est un véritable reflet de la mobilisation au sein de systèmes complexes. L’utilité de cette approche est joliment démontrée au moyen de réalisations du Centre HISP en Ouganda, où une surveillance scolaire de la pandémie de COVID-19 et du virus Ebola a été mise en place avec la participation de plusieurs ministères, d’administrations nationales et régionales, d’ONG, d’écoles et d’universités.

Engagement continu

Dans tous les exemples, nous constatons un effort manifeste pour parvenir à une mobilisation continue entre toutes les parties prenantes essentielles. Le maintien de l’interactivité de cette manière crée une situation au sein de laquelle l’interaction avec la sphère des politiques devient partie intégrante de la recherche-action. Dans le cas des formatrices et formateurs d’enseignants en Asie du Sud, le développement du perfectionnement professionnel du personnel enseignant s’appuie sur les priorités politiques et la mise à l’échelle du programme est soutenue par les boursières et boursiers inscrits dans des initiatives à l’échelle provinciale. De même, les guides d’apprentissage de l’organisme CAMFED, qui sont de jeunes femmes retournant dans les écoles pour encadrer les élèves, font partie d’un processus immersif et génératif qui est intégré au sein des structures gouvernementales existantes. Le travail de l’organisme World Vision afin d’améliorer l’alphabétisation repose également sur un projet dans lequel la mobilisation des connaissances est totalement intégrée et continue dès le départ. C’est cette mobilisation et cet apprentissage itératifs et continus qui permettent d’ancrer le changement de comportement, d’instaurer la confiance et d’adapter continuellement les projets, à la fois à l’évolution des circonstances et aux nouveaux défis. Cependant, cela peut être plus facile à dire qu’à faire et la plupart des projets reflètent la façon dont ils ont parfois lutté afin de maintenir des relations essentielles et faire face à des environnements changeants.

Mobilisation des connaissances numériques

L’utilisation innovante de la technologie est également un thème récurrent. Dans tous les projets, des stratégies numériques ont été déployées afin d’accroître la disponibilité de l’apprentissage, mais aussi en vue d’augmenter la demande de données. L’équipe de l’Université d’Oslo s’est notamment concentrée sur l’utilisation d’une plateforme numérique à source ouverte afin de soutenir son approche du renforcement des capacités basée sur les réseaux. C’est grâce à cette utilisation de la technologie que l’équipe a pu arrimer l’échelle locale à l’échelle nationale dans le cadre de la mise en œuvre de nouvelles initiatives. En Gambie, l’équipe a contribué à la mise en place d’un nouveau processus d’inscription scolaire qui a permis de sélectionner et de classer les élèves ayant des besoins d’apprentissage particuliers. Sans une communication bilatérale, un engagement politique clair et un échange des données, cela n’aurait pas été possible. Il en va de même pour les efforts visant à utiliser les réseaux communautaires afin d’améliorer l’alphabétisation au Ghana. Les méthodes participatives et inclusives auraient été inadéquates sans l’avantage des plateformes numériques en libre accès.

Accepter la complexité et la mobilisation intégrée des connaissances

La leçon principale semble être que la mobilisation des connaissances est un exercice qui consiste à jeter un pont entre différents modes de connaissance et de création de sens. Tous les projets ont tenté, de diverses manières, de combiner les connaissances des enfants et des jeunes, du personnel éducatif, des chercheures et chercheurs, des gestionnaires provinciaux et des décisionnaires politiques. Pour ce faire, il faut travailler avec des secteurs comme la jeunesse, l’égalité des genres et l’éducation, ainsi qu’avec des ministères et des domaines politiques différents. Cela correspond à la littérature scientifique sur les partenariats recherche-politique qui constate que les principales qualités d’une collaboration efficace sont l’interactivité soutenue, la mutualité et l’adaptabilité de la politique. Toutefois, cela pose quelques problèmes aux équipes de recherche et à leurs bailleurs de fonds. Comme l’indique un projet, il n’est pas facile de maintenir la mobilisation entre les responsables de la mise en œuvre en première ligne et les organismes nationaux. Surtout lorsque vous travaillez dans des environnements politiquement instables. Le changement peut prendre beaucoup de temps et il est très difficile de suivre et d’évaluer les progrès qui se produisent au-delà de votre sphère d’influence immédiate dans des contextes complexes. Pour les bailleurs de fonds, leur soutien doit fournir un environnement propice à ces types de mobilisation des connaissances, à la fois à plusieurs échelons et intégrés.

Tirons les leçons des projets du KIX et travaillons ensemble afin de promouvoir une mobilisation des connaissances qui est intégrée, qui s’articule autour d’un parcours dans lequel de multiples parties prenantes apprennent les unes des autres, et qui embrasse la complexité. Dans le meilleur des cas, la recherche-action en éducation et la mobilisation des connaissances devraient être presque indissociables. Il s’agit de la mobilisation des connaissances comme apprentissage et de l’apprentissage comme impact.