Des données probantes à l’action : Libérer le potentiel du projet Retour à l’école

Par: Sarah Mpata Posted: 05 juillet 2023
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Source: GMT/Domtila Chesang

L’éducation est un droit humain fondamental et largement reconnu, et pourtant l’UNESCO estime que plus de 60 millions d’enfants n’ont pas accès à l’enseignement primaire. Derrière ces chiffres stupéfiants se cachent les histoires inédites d’enfants dont le potentiel reste inexploité, les rêves inachevés et l’avenir assombri par l’inégalité. C’est dans ce contexte d’urgence et d’occasions que le Graça Machel Trust (GMT) travaille avec le Programme Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), une initiative conjointe avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, afin de garantir que le droit à l’éducation se traduise par une éducation concrète, accessible et de qualité au Kenya, en Tanzanie et en Éthiopie.

Au cours de l’année écoulée, le projet de recherche novateur Retour à l’école financé par le KIX a connu des succès remarquables et a généré des données probantes convaincantes en vue de soutenir la mise à l’échelle des programmes d’éducation accélérée, faciliter la réintégration des enfants non scolarisés, en particulier des filles, dans le système éducatif général, et améliorer les résultats de l’éducation. Toutefois, les résultats de ces recherches ont montré qu’il existe des domaines clés dans lesquels ces programmes doivent être adaptés et où l’intervention du gouvernement doit être renforcée.

Par exemple, les programmes d’éducation accélérée doivent être adaptés à des durées plus courtes et des techniques plus centrées sur l’élève sont nécessaires. La Tanzanie est le seul des trois pays à disposer d’un programme national d’éducation accélérée, et le contrôle gouvernemental est faible dans les trois pays. La participation de la communauté et des parents est variable, et les systèmes de suivi et évaluation sont inadéquats. Il y a un manque de parcours de compétences dans la formation professionnelle et un soutien psychosocial insuffisant pour les élèves confrontés à des difficultés. Il est nécessaire de mettre davantage l’accent sur l’établissement de liens entre les élèves et les programmes de soutien nationaux existants.

Les membres de l’équipe chargée du suivi, de l’évaluation, de la recherche et de l’apprentissage (SERA) du Graça Machel Trust se sont récemment rendus en Tanzanie et au Kenya pour recueillir des données probantes de routine. Les membres de l’équipe ont permis de faciliter le dialogue intergénérationnel entre les filles inscrites à des programmes d’éducation accélérée, le personnel enseignant et les responsables du district. Les membres se sont également mobilisés auprès de la communauté pour aider à renforcer la capacité des partenaires locaux et des parties prenantes à contribuer au suivi et à l’évaluation des essais et du pilotage du projet.

Les partenaires locaux soutiennent la mise à l’échelle des programmes d’éducation accélérée

Lors de cette visite, l’équipe a conclu des accords de partenariat avec l’école primaire Ortum Girls Boarding située dans le comté Pokot Ouest, au Kenya, par l’intermédiaire de la I am Responsible Foundation (I_REP Foundation) en tant que partenaire clé dans la phase de pilotage et de renforcement des capacités du projet. L’école est l’une des nombreuses écoles du Kenya rural où les problèmes d’absentéisme et d’abandon scolaire dans le cadre de l’enseignement formel et des programmes d’éducation accélérée sont aigus. Cependant, l’école a fait des efforts remarquables afin d’autonomiser les filles vulnérables et promouvoir l’accès à l’éducation.

L’I_REP Foundation travaille avec la communauté afin de changer les attitudes à l’égard des pratiques culturelles néfastes et promouvoir les droits à l’éducation pour les filles marginalisées des zones rurales. Elle participe à la sensibilisation des membres de la communauté aux effets négatifs de pratiques telles que les mutilations génitales féminines et les mariages d’enfants, soutient l’accès des filles à l’éducation, facilite la coopération entre les parties prenantes, sensibilise aux lois et aux risques et offre des espaces sûrs aux victimes de la violence fondée sur le genre.

En collaboration avec ces partenaires, le projet continue d’utiliser les connaissances acquises en vue de mettre en oeuvre des solutions innovantes à l’échelle locale. Par exemple, le projet mène des actions de plaidoyer au sujet des cadres politiques et réglementaires, et le développement des capacités du personnel enseignant et des autres parties prenantes de l’éducation afin de revoir les programmes et améliorer la pédagogie, les résultats et les pratiques de suivi et évaluation. Le projet facilite également les discussions au sein de la communauté afin d’améliorer l’implication des parents à l’égard de l’éducation des filles, pilote des parcours d’apprentissage différents pour les filles non scolarisées et contribue à améliorer les environnements d’apprentissage favorables à l’égalité des genres afin de traiter ces questions.

Le projet a permis de sensibiliser les fonctionnaires du district, les parents et la communauté à ces questions, et de créer des plateformes où il est possible de développer ensemble des moyens adaptés à l’échelle locale en vue de déterminer et de relever les défis. Cela permettra de produire des données probantes précieuses pour la mise à l’échelle des innovations ainsi que d’utiliser ces données en vue d’améliorer la planification, la politique et la pratique. Pour tenter de combler le fossé entre les genres, le projet a également organisé des événements au cours desquels d’anciennes élèves de l’école ont été accueillies comme modèles pour d’autres filles de la communauté pendant les vacances scolaires.

« Les parents comprennent désormais le rôle joué par l’école et l’importance de l’éducation. Par exemple, lorsque les filles reviennent de vacances, « c’est une grande fête et certains parents versent des larmes; leurs enfants ont changé, ils sont très beaux et peuvent même parler une autre langue qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Si nous pouvons obtenir plus d’aide, le nombre de filles [à l’école] augmentera ». Chef d’établissement enseignante – École primaire de filles d’Ortum

image for blogSource: Domtila Chesang

Renforcer les communautés grâce à l’éducation de base complémentaire en Tanzanie

En Tanzanie, l’équipe a exploré les approches de pilotage et d’essais utilisées pour sensibiliser les communautés aux avantages de l’éducation de base complémentaire, une initiative qui porte le nom de Complementary Basic Education in Tanzania (COBET). Cette visite a été l’occasion de mobiliser la communauté autour de l’utilisation des connaissances et des données issues des activités de recherche. Les responsables locaux du ministère de l’Éducation ont été les premières personnes à constater les enjeux qui continuent d’avoir des répercussions sur l’inscription, la rétention et la transition des filles dans les centres qui ont mis en oeuvre l’initiative COBET. Par exemple, les grossesses précoces, les mariages d’enfants, les pratiques culturelles telles que les mutilations génitales féminines (MGF) et les activités économiques comme l’exploitation minière et l’élevage de bétail sont autant de facteurs qui ont des répercussions sur l’accès des filles à l’éducation. La visite a également démontré la nécessité de revoir et d’harmoniser le programme d’études de l’initiative COBET afin de faciliter la réintégration harmonieuse des enfants dans l’éducation de base. Nous espérons que la communauté utilisera les connaissances acquises au cours de la visite pour porter le flambeau de la sensibilisation aux questions de qualité, d’équité, d’efficacité et de durabilité de l’éducation.

Alors que le district s’attaque à l’enjeu des enfants non scolarisés en relevant les défis infrastructurels dans l’environnement scolaire, la visite a permis de réitérer l’importance de prendre en compte les conclusions portant sur l’équité entre les genres, notamment en fournissant des installations d’hygiène, en réparant les salles de classe pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité et en fournissant un soutien relatif aux mesures d’hygiène menstruelles pour les filles. Validée par la direction générale du district, la recherche continue de mettre en évidence des données probantes et des stratégies précieuses afin d’améliorer l’environnement scolaire, notamment en s’attaquant à l’enseignement volontaire et à la nécessité d’indemniser le personnel et les parents, comme le soulignent les résultats de la recherche. Cela souligne le rôle essentiel que cela joue dans la création d’espaces d’apprentissage propices.

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12 personnels de l’éducation, 29 élèves et 14 parents ont participé à la mise en oeuvre de stratégies visant à améliorer l’environnement d’apprentissage et d’enseignement de l’initiative COBET.

Le pensionnat primaire pour filles d’Ortum, au Kenya, a joué un rôle déterminant dans la promotion de l’accès à l’éducation et de l’équité pour les enfants vulnérables de la région. Malgré les difficultés, le personnel a travaillé dur afin d’offrir un environnement d’apprentissage sûr et créer des occasions grâce à des approches et des partenariats innovants. L’initiative COBET en Tanzanie a également eu des répercussions importantes sur l’accès à l’éducation des enfants non scolarisés.

Le projet du Graça Machel Trust soutenu par le KIX a permis de cerner les obstacles à l’éducation dans les deux pays, y compris les facteurs culturels et économiques. Les visites sur place ont souligné l’importance d’utiliser des données probantes de haute qualité afin d’élaborer des solutions éducatives évolutives pour les filles non scolarisées. Les exercices de cartographie scolaire avec les élèves ont fourni des renseignements supplémentaires, qui seront publiés dans une note de recherche de synthèse lors de la prochaine phase de production de rapports.

 Le projet étant sur le point de s’achever, les prochaines étapes consisteront à mettre à l’essai des approches visant à améliorer la scolarisation, le maintien à l’école et la transition pour les enfants, en particulier les filles. Il s’agira notamment d’explorer l’apprentissage professionnel, de revoir les programmes d’études et d’améliorer la participation des parents afin de parvenir à l’équité en matière d’éducation pour tous les enfants de la région.

À propos de l’auteure : Sarah Mpata est une conteuse, une chercheure en sciences sociales et en psychologie, ainsi qu’une journaliste. Elle est actuellement administratrice principale des communications au sein du Graça Machel Trust, où elle est chargée de créer et de diffuser du contenu relatif à plusieurs projets, notamment le projet Retour à l’école soutenu par le KIX. Grâce à son expérience pluridisciplinaire, elle crée des histoires pertinentes et percutantes.