Abandon scolaire des filles de l’école primaire au Pakistan : Un diagnostic des causes fondamentales et des alternatives politiques

Posted: 31 janvier 2024

Par Aisha Naz Ansari, associée de recherche, Université Aga Khan; et Dr Sajid Ali, professeur associé et directeur de la recherche et des publications, Université Aga Khan

Ce blogue a été initialement publié sur le site Web de l’UNESCO. Il s’inspire d’un rapport d’analyse politique réalisé dans le cadre du cycle d’apprentissage 5 du Pôle Europe de l’Est, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie et Pacifique (Pôle EMAP du programme Partage de connaissances et d’innovations [KIX]) sur les « Outils de diagnostic pour la planification des politiques éducatives » organisé en partenariat avec l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) de l’UNESCO.

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Actuellement, un peu plus de la moitié des filles terminent l’école primaire à temps au Pakistan, selon le site Web de VIEW (Visualizing Indicators of Education for the World). Dans la province de Sindh, en particulier, seul un tiers de la population en âge de fréquenter l’école primaire est scolarisé; seule la moitié des élèves scolarisés accèdent au premier cycle de l’enseignement secondaire. Cet article étudie les causes profondes de ces abandons et présente des solutions politiques à envisager. Le rapport détaillé a été publié dans la bibliothèque du GPE KIX.

Afin d’effectuer une analyse plus approfondie des facteurs sous-jacents qui empêchent les filles d’achever leurs études primaires, nous nous sommes concentrés sur Dadu et Larkana, deux districts ruraux de la province de Sindh. Les données du système d’information de gestion de l’enseignement scolaire de 2020 et 2021 ont été utilisées pour l’analyse. Les données n’incluent pas les écoles privées. Dans ces deux districts, les garçons ont 20 % de chances de plus que les filles d’être inscrits à l’école primaire et 10 % de chances de plus que les filles de la terminer.

Notre analyse s’est appuyée sur une adaptation de l’outil de diagnostic politique de l’IIPE de l’UNESCO sur l’achèvement des études afin de cerner les goulots d’étranglement qui touchent les faibles taux d’achèvement des études primaires et de proposer des solutions de rechange politiques.

Les facteurs contribuant à l’abandon se situent à la fois du côté de la demande et de l’offre. Du côté de la demande, les barrières socio-économiques, ethniques et culturelles sont des facteurs; du côté de l’offre, l’emplacement de l’école, la distance, le transport, les installations, ainsi que le recrutement et la rétention des enseignants doivent être abordés. Par souci de concision, les deux facteurs les plus importants ont été développés plus avant. Du côté de la demande, le manque de sûreté et de sécurité; du côté de l’offre, la pénurie d’enseignantes.

Remédier au manque de sûreté et de sécurité dans les écoles

Ce défi est une préoccupation majeure pour les parents, les élèves et le corps enseignant. Environ 50 % des écoles n’ont pas de murs d’enceinte. La culture locale considère le tchador (voile noir recouvrant la tête et le corps pour les filles) et le tchardevari (murs d’enceinte de la maison) comme des protections essentielles, à la fois symboliques et matérielles. Comme les élèves passent beaucoup de temps dans les écoles, les parents donnent la priorité à la protection dans l’enceinte de l’établissement.

Les incidents fréquents de crimes contre les filles ont créé un sentiment de méfiance parmi les parents et les femmes, y compris les étudiantes et les enseignantes. La préférence pour les écoles dotées de murs d’enceinte s’explique par la nécessité d’assurer la sûreté et la sécurité des femmes. Pour répondre à cette préoccupation, la solution politique proposée est de garantir le bon fonctionnement des bâtiments avec des murs d’enceinte et d’encourager la communauté autour des écoles à partager la responsabilité de la sécurité des filles.

Remédier à la pénurie d’enseignantes

Bien que les données provinciales montrent que les enseignantes représentent la moitié du corps enseignant dans le Sindh, elles ne représentent qu’un tiers de l’ensemble du corps enseignant dans ces deux districts. Cette pénurie d’enseignantes empêche les parents d’envoyer leurs filles à l’école en raison de barrières et de préoccupations culturelles.

L’importance des enseignantes pour la scolarisation et l’achèvement des études des filles peut être illustrée par l’exemple d’une fondation éducative pakistanaise, qui opère principalement dans les zones rurales et les bidonvilles. Son action se concentre sur la mise à disposition d’enseignantes, même dans les zones reculées, en leur fournissant des moyens de transport sûrs. Les écoles primaires en milieu rural n’offrent que peu d’incitatifs aux femmes, car ce n’est pas sécuritaire et il n’y a ni logement ni transport.

Notre recherche plaide en faveur de stages dans les villages pour les femmes diplômées de l’enseignement secondaire dans leurs localités respectives en tant que solution politique pertinente. Les stagiaires prometteuses peuvent ensuite être embauchées à condition qu’elles terminent leurs études. D’autres incitatifs pourraient être fournis sous la forme de moyens de transport, de possibilités de formation continue et du parrainage de l’acquisition de leur qualification professionnelle. Cela peut constituer un bon moyen d’inciter les femmes à se mobiliser, en particulier dans les zones rurales.

Il est urgent d’améliorer l’achèvement des études primaires des filles, compte tenu de leur forte marginalisation. Il convient de noter que, malgré leurs désavantages, les filles obtiennent de meilleurs résultats dans les évaluations de l’apprentissage. Cela pourrait servir d’argument économique pour les décisionnaires politiques. Ces tendances en matière d’inscription, d’achèvement et de réussite doivent faire l’objet d’une attention particulière afin de retenir nos étudiantes qui non seulement luttent pour leurs droits fondamentaux à l’éducation, mais prouvent également leur engagement en faveur de l’apprentissage.