Une avancée concertée vers l’égalité des genres dans l’éducation

Posted: 01 février 2024
Par Arushi Terway, conseillère technique principale, Pôle EMAP du KIX, NORRAG 
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Source: Shutterstock

Des normes sociales profondément ancrées et des obstacles systémiques constituent des défis omniprésents qui freinent l’atteinte de l’égalité des genres dans l’éducation; cela contribue à faire perdure des disparités en matière d’accès, d’occasions et de résultats. Il est essentiel de combler le fossé entre les genres en matière d’éducation afin de favoriser le progrès social, le développement économique et l’autonomisation des générations futures. 

Lors de la Conférence sur les politiques et l’innovation en matière d’éducation (EPIC) 2023 du Pôle Europe de l’Est, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie et Pacifique (Pôle EMAP) du programme Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), une table ronde internationale composée de personnes expertes – Anna Dobrowski de l’Australian Council for Education Research (ACER), Elaine Unterhalter de l’Institute of Education, University College of London (UCL), Justine Sass de l’UNESCO, Sally Gear du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), Shreyasi Jha de la région Asie de l’Est et Pacifique de l’UNICEF – a permis de donner un aperçu des complexités et des contraintes relatives à l’instauration de l’égalité des genres dans les systèmes éducatifs du monde entier. J’ai eu le privilège d’animer une discussion informative avec les panélistes, qui ont donné leur point de vue sur les défis et la vision d’une société qui a atteint l’égalité des genres dans l’éducation. Dans ce blogue, j’ai tenté de fournir un résumé concis d’une conversation très mobilisante avec ces personnes qui sont des leaders mondiaux de l’égalité des genres. 

Une vision commune pour une société fondée sur l’égalité des genres 

Les panélistes ont présenté la vision d’un système éducatif où tous les enfants, quel que soit leur genre, bénéficient d’un accès et d’une possibilité d’apprentissage égaux, ce qui leur permet de réaliser pleinement leur potentiel. Ces personnes ont également souligné que l’égalité des genres dans l’éducation contribue à la fois à l’égalité des genres et au développement général de la société. 

Sally Gear a lancé le débat en présentant une vision de la société « où chaque enfant, quel que soit son genre, a la possibilité d’apprendre et de s’épanouir dans l’éducation, et où nous serons certainement plus justes, égaux et pacifiques ». Shreyasi Jha a souligné que l’égalité sera atteinte lorsque « chaque enfant qui obtient un diplôme ou termine ses études a accès à l’égalité des chances et est en mesure d’appliquer ces connaissances et ces compétences d’une manière qui l’aide à réaliser pleinement son potentiel, ses aspirations et ses rêves ». Justin Sass a ajouté que les enfants auraient « le pouvoir et la possibilité de façonner leur vie et leur avenir ». En examinant « l’égalité des genres à la fois au sein et au moyen de l’éducation, on s’intéresse à l’égalité d’accès… à la qualité de l’apprentissage… à l’expérience de l’apprentissage… et aussi à l’égalité des parcours éducatifs ». L’éducation peut se traduire par des gains sociétaux plus vastes, notamment la participation à la vie publique, la prise de décision et l’accès à des ressources de travail décentes, facilitant une plus grande autonomie et davantage de pouvoir. 

Anna Dobrowski a imaginé un monde où les concepts d’équité et d’égalité des genres sont largement acceptés et intégrés au sein de la société. Elle a indiqué qu’au cours des dernières années, dans de nombreuses régions du monde, les attitudes des parents et des communautés ont évolué vers l’équité entre les genres et le soutien aux enfants issus de communautés différentes. Toutefois, cette évolution ne se reflète pas encore pleinement dans le secteur de l’éducation et le soutien à l’apprentissage des enfants. Elle espère que « certains des récits et discours politiques issus du secteur de l’éducation seront intégrés dans les perspectives communautaires ». 

Elaine Unterhalter a évoqué le lien entre l’égalité des genres dans l’éducation « et une vision de la justice, de l’élargissement et du renforcement des droits humains… en pensant aux droits des femmes, aux droits des filles et à l’égalité des genres ». Elle nous a exhortés à nous inspirer du mouvement des femmes, du mouvement de lutte contre l’apartheid et du mouvement Black Lives Matter, à respecter les connaissances et la compréhension provenant de « nombreux endroits différents dans lesquels les gens se trouvent… à écouter et à se mobiliser dans ces aspects de différence » et à veiller à ce que la vision de « l’égalité des genres et de l’éducation ne vienne pas seulement d’en haut, ni d’en bas, ni du milieu… il s’agit de toutes ces choses qui interagissent ». 

Défis persistants dans la réalisation de l’égalité des genres 

En réalisant la vision de l’égalité des genres dans l’éducation et dans la société au sens large au moyen de l’éducation, les panélistes ont collectivement cerné plusieurs défis qu’il nous faut encore surmonter. Les panélistes ont reconnu qu’il est désormais admis que les parties prenantes mondiales et nationales doivent consacrer des ressources et des efforts à la lutte contre l’inégalité des genres. Toutefois, une approche étroite de l’égalité des genres a également créé certains obstacles. 

Un défi important discuté par les panélistes est la simplification excessive de la complexité de l’égalité des genres. Elaine Unterhalter a souligné que dans de nombreuses stratégies, nous « continuons à estimer les filles comme une proportion des garçons ». Dans plusieurs endroits où la parité entre les genres en matière de scolarisation a été atteinte, les décisionnaires politiques supposent que le pays a atteint l’égalité des genres puisque « les filles réussissent mieux que les garçons, et nous avons plus de filles à l’école que de garçons, et nous ne devrions donc pas nous inquiéter à ce sujet », a expliqué Shreyasi Jha. Même dans ces contextes, l’égalité en matière d’inscription à l’école primaire ne s’est pas traduite par l’inscription des filles dans l’enseignement secondaire ou supérieur, sans parler de l’égalité en matière d’éducation et d’autres résultats sociaux. Elle a affirmé que « d’énormes préjugés relatifs au genre persistent dans les manuels scolaires, les programmes, les méthodes d’enseignement, les évaluations, les systèmes ». 

Les panélistes ont également attiré notre attention sur les pays qui connaissent un retour en arrière et un rejet des concepts globaux d’égalité des genres. Sally Gear a souligné que le défi général du financement de l’éducation, en particulier dans les contextes touchés par la violence ou les catastrophes naturelles, se traduit souvent par une priorité diminuée à l’égard de l’égalité des genres. Justine Sass est d’accord avec ce point de vue et ajoute qu’elle a observé « une vague massive de conservatisme dans de nombreux contextes différents… Je pense que cela nous fait vraiment reculer ». Elle a précisé que ce défi ne se pose pas seulement dans les régions touchées par un conflit, « il est tellement difficile de parler de tout ce qui a trait aux droits, qu’il s’agisse de la santé et des droits sexuels et reproductifs ou des droits des femmes ». 

Elaine Unterhalter a résumé le défi déterminé par toutes les panélistes comme étant l’approche cloisonnée de l’égalité des genres dans le développement de l’éducation. « L’éducation des filles est estimée comme une petite poche d’interventions que nous pouvons faire au lieu de voir qu’elle peut être liée à des initiatives plus larges concernant les programmes d’études ou la pédagogie, le développement de l’égalité des genres et la santé, le logement ou la protection sociale. » 

Toutes les panélistes ont convenu que nous ne pouvons pas nous contenter de travailler sur l’égalité des genres dans l’éducation simplement parce que nous l’avons incluse dans les stratégies mondiales et nationales; il faut accorder plus d’attention aux complexités sociopolitiques au sein de chaque contexte pour développer et mettre en œuvre des programmes qui répondent aux normes sociétales. 

Vers une approche holistique de l’égalité des genres 

Les panélistes ont également donné un aperçu de la manière dont leurs organisations abordent la question de l’égalité des genres. Des liens vers les diapositives des panélistes sont fournis ci-dessous : 

· Anna Dobrowski 

·      Elaine Unterhalter 

· Justine Sass 

·      Sally Gear 

·      Shreyasi Jha 

Alors que le GPE, l’UNICEF, l’UNESCO, l’ACER et l’Institute of Education de l’UCL se sont mobilisés dans le cadre de diverses interventions autour de l’égalité des genres, les panélistes ont montré que ces organisations suivent toutes un ensemble commun de principes et d’approches afin de relever les défis et de réaliser la vision de l’égalité des genres au sein de l’éducation. 

  1. Mettre l’accent sur les défis systémiques et les inégalités structurelles : Toutes les organisations soulignent la nécessité de comprendre les défis systémiques et les inégalités structurelles qui existent dans l’éducation et au sein de la société en général. Il s’agit notamment de comprendre les causes profondes des disparités entre les genres dans le domaine de l’éducation, tout en tenant compte de facteurs comme le financement et les capacités. 
  2. Pratiques intersectionnelles et transformatrices de genre : Le changement systémique nécessite une approche intersectionnelle pour comprendre et traiter l’inégalité des genres. Il s’agit d’examiner la manière dont les différents facteurs sociaux, économiques et politiques s’entrecroisent avec les questions de genre et de mettre en œuvre des pratiques de transformation du genre qui modifient les structures et les relations sous-jacentes au sein des gouvernements et des organisations. 
  3. Fourniture de données et recherche : Les panélistes ont souligné la nécessité de recueillir et d’analyser des données contextuelles afin de contribuer à la conception d’interventions holistiques. La collecte de données et la recherche à l’échelle nationale et internationale doivent aller au-delà de l’examen de la parité entre les genres dans les inscriptions scolaires et se concentrer, entre autres, sur les ressources, les occasions, les résultats, les valeurs et les normes sociales. 
  4. Collaboration et mobilisation multipartite : Les panélistes ont souligné l’importance de la collaboration et de la mobilisation multipartite, y compris la collaboration avec les ministères de l’Éducation, les ministères de la Santé, les ministères de la condition féminine, les bureaux nationaux de statistiques, les activistes qui défendent l’égalité des genres, ainsi que les chercheures et chercheurs universitaires. Cette approche collaborative garantit une perspective à la fois holistique et diversifiée concernant les questions d’égalité de genre. 
  5. Mettre l’accent sur le soutien et le perfectionnement du personnel enseignant : En tant que parties prenantes de la transformation dans la salle de classe, il convient de mettre l’accent sur le soutien au personnel enseignant, tant sur le plan de leur formation initiale que de leur perfectionnement professionnel continu. Il s’agit notamment de doter le personnel enseignant de compétences pratiques et de ressources lui permettant de créer des environnements inclusifs et de relever divers défis. 

Le débat a révélé que les personnes expertes et les organisations du monde entier continuent d’avoir une vision commune de l’égalité des genres dans l’éducation et dans la société dans son ensemble. Il est encourageant de voir les approches concertées et collaboratives que les organisations mondiales soutiennent dans les contextes nationaux et locaux. Il est plus important que jamais de reconnaître et de mieux comprendre la complexité des défis relatifs à l’égalité des genres, notamment en ce qui concerne les normes sociales et les perspectives différenciées, afin d’apporter une réponse holistique à la réalisation de l’égalité de tous les genres. Cette table ronde propose des réflexions portant sur les approches holistiques et multidimensionnelles indispensables qui devraient être intégrées dans le changement systémique afin d’aborder la question de l’égalité des genres au sein de l’éducation.