Renforcement et utilisation des données dans les pays partenaires du GPE : enseignements tirés de trois projets financés par le KIX

Posted: 19 novembre 2021

Dans ce blogue, Hamidou Boukary résume les résultats qui ont été présentés par les représentants de trois projets financés par le KIX lors d’un événement parallèle du Sommet mondial sur l’éducation, qui a eu lieu en juillet 2021. Chaque projet porte sur le renforcement et l’utilisation des données dans les systèmes éducatifs. 

 

Dirigeants mondiaux et militants de l'éducation
Source: GPE/Tom Whipps

Dans le cadre du « Sommet mondial sur l’éducation : Financer le GPE 2021-2025 », qui a eu lieu en juillet 2021, le programme KIX et trois des organismes de mise en œuvre des projets sur les systèmes de données ont organisé un événement parallèle pour faire part d’enseignements émergents des trois projets financés par le KIX qu’ils dirigent ainsi que pour en comprendre la signification. Ces projets sont les suivants : i) Utiliser les données pour améliorer l’équité et l’inclusion dans l’éducation (dirigé par l’UNICEF), ii) Innovations en matière d’utilisation des données pour les systèmes d’information sur la gestion de l’éducation en Gambie, en Ouganda et au Togo (dirigé par l’Université d’Oslo) et iii) Les données doivent parler (Data Must Speak) sur les approches de déviance positive en matière d’apprentissage (dirigé par le Centre de recherche de l’UNICEF – Innocenti).

Ces trois projets cherchent tous à comprendre comment mieux concevoir et mettre à l’échelle les systèmes de données en termes de capacité accrue de production et d’analyse des données, et comment créer des cultures institutionnelles et des outils pour leur utilisation dans les processus d’élaboration de politiques et de planification. Dans de nombreux pays à faible revenu d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est, la prise de décisions fondée sur les données dans le secteur de l’éducation est un défi depuis de nombreuses années. En dépit de progrès significatifs réalisés dans la mise en place des infrastructures et des capacités humaines nécessaires pour disposer de systèmes d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE) solides et fiables, de nombreux obstacles subsistent. Il est notamment nécessaire de garantir la disponibilité en temps utile de données pertinentes et leur utilisation efficace dans les principaux lieux de décision, en particulier dans les ministères de l’Éducation, au sein des administrations provinciales et de district, ainsi que dans les écoles et les communautés.

Enseignements émergents des projets financés par le KIX

Jusqu’à récemment, des organismes spécialisés externes ou internes ont mis au point des solutions aux problèmes d’éducation et les ont fournies aux gouvernements des pays en développement, avec peu de participation des principaux bénéficiaires, à savoir les ministères de l’Éducation et d’autres parties prenantes locales. Le KIX et d’autres initiatives visent à inverser cette tendance. En misant sur l’intérêt et l’engagement des ministères de l’Éducation à participer à la conception (cocréation) et à la mise en œuvre (mise en œuvre conjointe), ils relèvent les principaux défis par des activités de production de données probantes.  

Enseignements tirés du projet Utiliser les données pour améliorer l’équité et l’inclusion dans l’éducation

Les premiers résultats des trois projets indiquent que la collaboration avec les experts des organismes de statistique nationaux et les fonctionnaires des ministères de l’Éducation peut aboutir à des résultats majeurs, et ce projet en particulier a déjà enregistré des résultats importants en matière de politiques. En organisant des ateliers nationaux qui ont rassemblé un large éventail de parties prenantes clés de l’éducation, dans le but de les aider à mieux comprendre comment interpréter et utiliser les données des enquêtes existantes sur les ménages (enquêtes en grappes à indicateurs multiples de l’UNICEF), le projet a exploité les connaissances ainsi acquises sur le genre, l’équité et l’inclusion pour éclairer leurs décisions en matière de politiques. Comme décrit dans le présent blogue, le secteur de l’éducation et les plans d’éducation ont été révisés pour refléter les questions clés soulevées par le projet. Plus important encore, un nouveau texte législatif a été promulgué en Géorgie pour remédier aux inégalités révélées par les données générées par le projet.

Enseignements tirés du projet Innovations en matière d’utilisation des données pour les systèmes d’information sur la gestion de l’éducation en Gambie, en Ouganda et au Togo

Dans ce projet, l’Université d’Oslo a signalé que l’introduction d’une innovation provenant du secteur de la santé, c’est-à-dire le Système d’information sanitaire de district 2 (DHIS2), pour améliorer les systèmes d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE) en Gambie, au Togo et en Ouganda, a été le catalyseur de la collaboration inter et intraministérielle dans le renforcement des capacités des systèmes de données. En Gambie, par exemple, les ministères de la Santé et de l’Éducation élaborent actuellement un protocole d’entente (PE) afin de formaliser leurs intentions de créer un bassin partagé de capacités DHIS2 dans le pays. En outre, le projet a facilité une collaboration étroite entre trois entités au sein du ministère de l’Éducation en Gambie, à savoir le Département de la planification, la Direction des normes et de l’assurance qualité (SQAD), et la Section des SIGE et de la TIC (technologie de l’information et des communications). De façon analogue, le projet a servi de mécanisme pour l’utilisation décentralisée des données

Le projet joue un rôle clé dans la documentation et la mise en place de la stratégie « EMIS Shift » (changement au niveau des SIGE), une initiative ambitieuse menée par le pays pour mettre en œuvre un système national d’enregistrement et de suivi des apprenants dans le but de fournir des données granulaires et opportunes pour la gestion des écoles et la mobilisation communautaire. En Ouganda, les districts inclus dans le projet ont utilisé les données du SIGE et du DHIS2 pour éclairer l’affectation de ressources en fonction des principaux indicateurs du système. Le SIGE et le DHIS2 ont permis de combler une lacune dans les données et de faciliter un appel de données national qui a servi à éclairer la réouverture des écoles ainsi que la distribution de produits de base et de matériels pour l’auto-apprentissage pendant le confinement national décrété en raison de la pandémie de COVID-19. En outre, le système sera utilisé pour rendre compte de la surveillance de la COVID-19 dans tous les établissements d’enseignement du pays après leur réouverture officielle en janvier 2022. Cela a démontré également la nécessité de renforcer les synergies intersectorielles dans les domaines de la santé et de l’éducation afin de garantir un environnement d’apprentissage sûr pour tous les apprenants. 

En outre, la mise en œuvre du SIGE et du DHIS2 a contribué à l’harmonisation des besoins des différents partenaires et départements du ministère de l’Éducation et des Sports (MES), ce qui a permis d’élaborer et de personnaliser un outil intégré de collecte de données de routine au sein du système et d’optimiser des ressources limitées. De façon analogue, la possibilité d’intégrer, dans le DHIS2, des données supplémentaires, comme les résultats d’examens et les statistiques démographiques provenant d’autres systèmes existants, a été un catalyseur pour inciter le MES à soutenir davantage l’intégration de données supplémentaires provenant des systèmes des RH et des finances dans le DHIS2 en tant que dépôt de données centralisé, afin d’éclairer la prise de décisions.      

Enseignements tirés du projet Les données doivent parler (Data Must Speak) sur les approches de déviance positive en matière d’apprentissage 

Pour ce projet, des réalisations majeures ont été faites dans la mise en œuvre de la recherche séquentielle cocréée avec 13 pays participants. La recherche effectuée dans le cadre de ce projet vise les objectifs suivants : 1) identifier, par le biais des ensembles de données administratives existants (p. ex. le SIGE, les évaluations de l’apprentissage des élèves), les écoles faisant de la déviance positive, c’est-à-dire les écoles qui obtiennent de meilleurs résultats que les autres, même si elles fonctionnent dans un contexte similaire et avec des ressources équivalentes; 2) comprendre quels sont les comportements et pratiques déviants positifs mis en œuvre dans ces écoles – « ce qui fonctionne »; 3) étudier les leviers exploitables au niveau du système, de l’école et de la communauté pour étendre ces comportements et pratiques déviants positifs aux écoles moins performantes dans un contexte donné – « comment s’y prendre ». L’objectif de cette recherche étant de générer des données sur les bons comportements et pratiques des écoles faisant de la déviance positive, afin d’éclairer à la fois les politiques et les pratiques, l’intégration de ces principes et de cette méthodologie dans les processus d’élaboration de politiques et de planification est cruciale. La recherche effectuée dans le cadre du projet « Les données doivent parler », en étant cocréée avec un large éventail de parties prenantes du pays dès le début, a déjà été intégrée à plusieurs analyses et plans du secteur de l’éducation, ou a servi à les éclairer. Grâce à ce processus de cocréation, dans certains pays participants, les activités de collecte de données ont même été menées par des élèves-maîtres dans des écoles dont on a déterminé qu’elles suivaient l’approche dite de déviance positive, et l’analyse a été facilitée par des experts locaux et des universitaires, garantissant ainsi que cette approche innovante devienne une partie intégrante du savoir-faire local.

Principaux défis liés à la production et à l’utilisation des données à l’avenir

Il convient de noter que ces trois projets ont été lancés en 2019-2020 et que leur mise en œuvre se poursuivra jusqu’en 2023. Ils ont subi l’impact négatif de la COVID-19 car la plupart des travaux sur le terrain n’ont pas pu avoir lieu pendant les longues périodes de confinement et d’interdiction des voyages nationaux et internationaux.  

Le passage des données agrégées à des données plus granulaires, qui se prêtent davantage à la prise de décisions à des niveaux décentralisés, présente de nouveaux défis. Le besoin de nouvelles données et le renforcement nécessaire des capacités vont au-delà du champ d’action des ministères de l’Éducation et englobent d’autres nouvelles parties prenantes, notamment les parents, les conseils scolaires, les unités d’amélioration des écoles, les organismes de statistique, etc. Cela a des implications financières évidentes qui n’ont peut-être pas été prévues dans le budget de l’éducation. Ainsi, un financement supplémentaire par les gouvernements ou des organismes techniques et de financement est nécessaire. Comme l’illustre le cas de la Gambie, les nouvelles données s’accompagnent de la question de la création d’un environnement réglementaire et juridique propice à leur utilisation correcte, dans le respect des principes éthiques. La Gambie travaille actuellement à la création d’un tel environnement sur la base de ses interactions avec les communautés et les parents.  

Avec les progrès réalisés dans l’atténuation de la pandémie, on prévoit que ces projets produiront des données plus utiles sur la cocréation et l’utilisation actuelles d’approches et d’outils innovants pour faire de la prise de décisions éclairées une réalité dans plusieurs pays. 

Pour regarder l’enregistrement de la présentation des trois projets, qui a eu lieu lors de l’événement parallèle du Sommet mondial sur l’éducation en juillet 2021, cliquez ici.