Synergie entre innovation et action de la société civile : exemples au Burkina Faso et au Sénégal

Par: Maïmouna Sissoko Touré ,Cheikh Mbow,Modeste Nebié Posted: 21 septembre 2023

Par: Maïmouna Sissoko Touré, Cheikh Mbow, et Modeste Nebié. Ce billet de blogue a été publié initialement sur le website du Partenariat mondial pour l’éducation, le 31 août 2023. 

Woubibox au Burkina Faso et l'observatoire local de la qualité de l'éducation au Sénégal sont deux initiatives d'organisations de la société civile. Découvrez comment elles fonctionnent, la manière dont L'Éducation à voix haute du GPE et KIX les ont soutenus et comment les adapter dans d’autres pays.

École primaire Bitiw Seye 1 à Tivaouane au Sénégal.
Source: GPE/Chantal Rigaud

Pour contribuer à transformer les systèmes éducatifs dans les régions d’Afrique de l’Ouest et du Centre ainsi que de l’Océan Indien, le pôle régional KIX Afrique 21 préconise un dialogue politique à étapes et fortement consultatif. Ce processus vise à promouvoir la prise en compte et l’intégration des connaissances et des innovations dans la formulation des politiques éducatives et l’élaboration des plans sectoriels de l’éducation.

Le dialogue politique débute par une appropriation du programme de partage de connaissances et d’innovation (KIX) du GPE par les ministères de l’éducation à travers les équipes nationales de coordination KIX et l’ensemble des parties prenantes du secteur. Ceci repose sur le postulat que les politiques éducatives, la gouvernance et la gestion des systèmes éducatifs sont plus efficaces lorsque les innovations et les connaissances les plus porteuses de changement systémique sont identifiées, analysées, validées et intégrées de façon consensuelle dans un dialogue politique national regroupant toutes les parties prenantes.

Le partage d’expériences, de bonnes pratiques et de données probantes peut orienter efficacement les politiques publiques d’éducation.

Ces espaces de dialogue permettent des concertations intra- et intersectorielles, qui aident à définir le rôle des différentes entités impliquées dans le choix des réformes prioritaires et de la vision à long terme du système éducatif.

Les ministères en charge de l’éducation qui ont mis en œuvre ce processus de dialogue, en collaboration avec le pôle régional Afrique 21 de KIX, ont ainsi donné l’opportunité aux organisations non gouvernementales d’une part de gagner en visibilité au sein du large réseau régional KIX, mais aussi de bénéficier d’une reconnaissance institutionnelle pour la pertinence de leurs actions.

Au-delà de ces éléments, la synergie entre le pôle régional Afrique 21 de KIX et L’Éducation à voix haute, deux initiatives du GPE, s’est naturellement manifestée lors de ces dialogues politiques, dont le point de départ est un appel à propositions d’innovations, de pratiques et de connaissances susceptibles de transformer les systèmes éducatifs aux niveaux national et régional.

C’est ainsi que la société civile nationale a saisi cette belle occasion pour partager les initiatives innovantes de ses membres pour les faire mieux connaitre, voire les adapter dans d’autres pays, et in fine permettre leur mise à l’échelle au niveau national.

Woubibox : Une solution d'éducation numérique

Le Burkina Faso a besoin d’une alternative permettant aux enfants de garder le contact avec l’éducation dans un contexte de fermeture d’école due à la crise sécuritaire que traverse le pays depuis 2016. Il s’agit d’amener l’enseignement au plus près des enfants, quand ils en ont besoin et en tenant compte du contexte local.

La Coalition Nationale pour l’Education Pour Tous du Burkina Faso (CN-EPT/BF) a donc conçu un projet répondant à plusieurs thématiques essentielles soulevées par les acteurs du monde de l’éducation, à savoir celles de l’éducation des filles et des élèves vulnérables au sein des populations déplacées internes, de l’éducation à distance en temps de crise sécuritaire ou sanitaire, ou plus globalement de l’éducation en situation d’urgence.

Woubi est une solution nomade, autonome et intégrée d'éducation numérique visant à assurer la continuité de l’éducation dans les zones à fortes tensions sécuritaires ou isolées au Burkina Faso.

La « boite à éduquer »

La Woubibox fonctionne comme un mini-ordinateur qui donne accès à des contenus éducatifs (audio, vidéo, texte) sans Internet, via son propre réseau Wifi. Il permet une utilisation simultanée de manière individuelle ou collective (jusqu'à 200 utilisateurs) et comprend un kit de projection. Le projet inclus son propre système autonome de production d'électricité via l’énergie solaire.

Woubibox est formé du mot « Woubi » en langue mooré (une des langues nationales du Burkina Faso), qui signifie éduquer, et du mot anglais « box » qui signifie boîte.

La visibilité de l'innovation conduit à la mise à l'échelle

La Woubibox a été développée par la CN-EPT/BF en partenariat avec Akoma Group dans le cadre du projet jeunesse Sahel financé par l’Agence française de Développement (AFD).

Dans le but de promouvoir l’innovation et de susciter l’intérêt de partenaires pour son déploiement à grande échelle, Woubibox a participé à un concours organisé par le pôle Afrique 21 de KIX, où elle a reçu un prix d’innovation.

Cette distinction a permis de renforcer la crédibilité et la visibilité de Woubibox auprès de plusieurs partenaires, notamment le ministère de l’Éducation du Burkina Faso et les entreprises via leur politique responsabilité sociale, avec lesquels des discussions sont en cours pour le financement et le déploiement de l’innovation au profit d’un grand nombre d’élèves et de leurs enseignants.

L’observatoire local de la qualité de l’éducation au Sénégal

La Coalition des Organisations en Synergie pour la Défense de l’Éducation Publique (COSYDEP), en partenariat avec Aide et Action International (AEAI), a mis en place en 2012 un observatoire de l’éducation dans la région de Diourbel, au centre du Sénégal.

L’observatoire est un dispositif de veille, d’alerte et de proposition. Il s’agit de cadres de dialogue entre les acteurs locaux de l’école qui collectent rigoureusement des données, élaborent de rapports alternatifs et construisent des solutions holistiques et locales en réponse aux défis spécifiques de chaque région, partagées ensuite avec les décideurs locaux.

Dans le cadre du programme L’Éducation à voix haute financé par le GPE, l’expérience déjà évaluée et capitalisée, a été mise à l’échelle par son implémentation dans les 14 régions du Sénégal en 2019 et à travers les antennes locales de la COSYDEP.

L’observatoire a également obtenu le 1er Prix du concours de Connaissances et d’Innovations du pôle Afrique 21 de KIX.

Cadre de réflexion participative

Le dialogue au sein de l’observatoire renforce la synergie entre les acteurs locaux de l’école et favorise une démarche inclusive et participative déterminante non seulement dans l’appropriation, mais aussi dans la recherche de solutions aux problèmes identifiés.

Son fonctionnement est assuré par des rencontres portant sur des thématiques y compris la stabilité et des performances du système éducatif, des violences en milieu scolaire, de la résilience, de l’inclusion aux offres alternatives d’éducation et de formation.

La sensibilisation et l’écoute des acteurs permettent de réussir le pari de la mobilisation et de l’engagement des acteurs.

Instaurer un climat de confiance au sein de la communauté éducative

L’observatoire a contribué également à la mise en place de comités de gestion scolaires et a formé les membres des comités en gestion administrative et financière des écoles.

De leurs côtés, les autorités scolaires sont davantage ouvertes à la culture de la transparence et à la reddition des comptes. Cela a permis d’accroître la confiance entre les acteurs et de prévenir les conflits pouvant résulter d’un manque de transparence dans la gestion des ressources financières et matérielles des écoles, contribuant ainsi à instaurer un climat de confiance au sein de la communauté éducative.