Une réponse ciblée à la crise de l’apprentissage : le mécanisme de Partage de connaissances et d’innovations (KIX)

Par: Alice Albright,Jean Lebel Posted: 28 juillet 2020
Ce blog a été initialement publié sur le site Web du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) le 9 juillet 2019. Alice Albright est directrice générale du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE) et Jean Lebel est président du CRDI.
Une réponse ciblée à la crise de l’apprentissage : le mécanisme de Partage de connaissances et d’innovations (KIX)

Il faut des progrès considérables pour améliorer la qualité de l’éducation dans les pays en développement. L’Institut de statistique de l’UNESCO estime que 617 millions d’enfants dans le monde n’acquièrent pas les compétences minimales en lecture et en mathématiques; presque tous ces enfants vivent dans des pays à faible revenu.

Au rythme actuel du changement, nous n’atteindrons pas l’objectif 4 du développement durable (SDG 4), soit « Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie » d’ici 2030, laissant ainsi de nombreux enfants pour compte. Le statu quo signifiera un « décalage de plus de 100 ans » pour que les enfants pauvres rattrapent les niveaux d’éducation des enfants riches d’aujourd’hui. Si nous prenons au sérieux l’objectif stratégique 4 et si nous voulons accélérer le rythme du changement, nous devons trouver de nouveaux moyens de surmonter la crise de l’apprentissage

Cinq problèmes critiques pour améliorer les résultats en éducation

Cinq problèmes ralentissent le rythme de l’amélioration concrète de l’éducation sur la planète :

1. Une connaissance limitée de ce qui fonctionne

Les données probantes mondiales pointent vers les caractéristiques des systèmes d’éducation qui fonctionnent bien, mais un examen récent de l’incidence des interventions en éducation sur l’apprentissage et la participation scolaire dans les pays à moyen et faible revenu révèle qu’il y a peu d’éléments probants disponibles quant à ce qui fait fonctionner ou pas les interventions, ou aux coûts de mise en oeuvre. De plus, comme il a été observé récemment, lorsque des éléments probants sont disponibles, la diffusion est souvent faible, surtout parmi les intervenants clés en éducation dans les pays en développement. Pour améliorer les politiques et les pratiques et réduire l’écart en éducation entre les enfants riches et pauvres, nous avons besoin d’une meilleure approche afin de recueillir et de diffuser les éléments probants fiables en ce qui concerne les interventions efficaces en éducation.

2. Les défis de la mise à l’échelle des innovations en éducation

Étendre l’utilisation des innovations qui démontrent l’impact comme des pilotes est crucial pour l’accélération d’un changement positif, mais la mise à l’échelle pose des défis sur les plans du financement et de l’opportunité. Malgré la prolifération des innovations en éducation, les éléments probants sont limités quant à la manière de mettre à l’échelle des initiatives qui améliorent les résultats d’apprentissage. Ces dernières années, des projets comme Voyages à rapport d’échelle et Des millions en apprentissage ont généré d’importantes idées en ce qui concerne les pratiques fructueuses de mise à l’échelle. Toutefois, il faut davantage de connaissances et d’expérience pour comprendre pourquoi, par exemple, la tentative des Cambodgiens de mettre à l’échelle les centres de développement de la petite enfance et les écoles préscolaires avait une incidence variée et limitée sur le développement de l’enfant, tandis que le recours aux manuels scolaires au Burundi s’est révélé fructueux, comme l’indique le Rapport sur le développement dans le monde 2018.

3. Le besoin de réponses pertinentes au niveau national

Les systèmes d’éducation efficaces sont ceux qui fonctionnent et répondent le mieux aux besoins dans les dynamiques économiques, politiques et culturelles nationales. Même s’il est universellement reconnu que le contexte importe, la contextualisation demeure difficile dans les pays en développement, car pour la plupart des raffinements et des innovations l’approvisionnement, la conception et le soutien s’effectuent à l’international et à distance. Par exemple, même si la crise d’apprentissage peut être des plus grandes dans les pays de l’Afrique subsaharienne, ces pays représentent des contextes extrêmement hétérogènes. Les tentatives d’accélérer le changement peuvent seulement réussir si elles sont conçues selon les dynamiques particulières des pays et comprennent le développement de la capacité pour adapter les solutions existantes.

4. L’utilisation limitée des éléments probants dans les politiques et la planification

La qualité de l’éducation ne s’améliorera pas sans la mise en oeuvre efficace de politiques robustes, bien qu’il y ait une demande croissante pour l’utilisation d’éléments probants dans le dialogue sur les politiques et la planification dans de nombreux pays en développement, les gouvernements ont souvent un accès limité à des éléments probants pertinents et font face aux contraintes de capacité pour l’utilisation des éléments probants disponibles afin de façonner les politiques et les pratiques. Pour accélérer le rythme de l’amélioration de la qualité de l’éducation, nous devons premièrement nous assurer que les gouvernements ont accès à de la recherche fondée sur des éléments probants, et deuxièmement, qu’ils ont la capacité d’appliquer les éléments probants et les innovations dans leur secteur d’éducation.

5. Des investissements limités en partage de connaissances

Les problèmes ci-dessus sont intensifiés par des investissements très faibles en partage de connaissances qui peuvent favoriser la mise à l’échelle d’innovations efficaces, la coordination d’efforts de part et d’autre des frontières, et l’habilitation des systèmes d’éducation locaux. Actuellement, seulement 3 % de l’aide officielle au développement en éducation est affectée à la production de biens publics, tandis que les chiffres représentent 21 % dans le secteur de la santé. Si nous devons supprimer l’écart en cent ans, les investissements dans les biens publics mondiaux sont nécessaires pour faciliter le partage transfrontalier de connaissances et la diffusion de pratiques efficaces adaptées aux contextes nationaux ou locaux.

Le partage de connaissances et d’innovations du GPE

Le partage de connaissances et d’innovations (KIX) est une entreprise conjointe entre le GPE et le CRDI qui vise à relever ces défis et renforcer les systèmes d’éducation dans 68 pays partenaires. Le GPE apporte son réseau de partenaires engagés et expérimentés en matière de soutien de la planification sectorielle améliorée, de la mise en œuvre et du renforcement des systèmes; le CRDI apporte une expérience enrichie pour le soutien et la diffusion de la recherche et des innovations afin de bâtir des sociétés plus saines, équitables et prospères dans le monde en développement.

Mis en œuvre par le CRDI et reposant sur un budget d’environ 82 millions $CA (près de 63 millions $US) sur cinq ans, le KIX trouvera, financera et favorisera des réponses éprouvées mises à l’échelle des défis clés en éducation déterminés par les pays partenaires, et s’assurera que ces solutions nourrissent les politiques et la planification du secteur d’éducation national. Le KIX sera façonné sur demande à partir des gouvernements nationaux et poussé par ce que les pays considèrent comme leurs principaux défis en matière de politiques.

Le KIX financera également la nouvelle recherche afin de combler les lacunes quant aux éléments probants et aux connaissances, proposera des solutions novatrices aux problèmes déterminés par les pays partenaires et renforcera la capacité des gouvernements à innover et à favoriser l’utilisation d’éléments et de données probants. Ce faisant, le KIX étendra l’ « écosystème d’apprentissage » d’organisations établies dans le Sud pour apprendre, innover, bâtir et utiliser les éléments probants, tout en approfondissant notre compréhension collective de la mise à l’échelle réussie d’innovations pour rendre les systèmes d’éducation plus efficaces.

Le KIX reposera sur quatre carrefours régionaux où les partenaires se rassembleront afin de partager l’information, les innovations et les pratiques pertinentes, et le KIX fournira des subventions aux niveaux mondial et régional pour investir dans la génération de connaissances et d’innovations, et mettre à l’échelle des approches éprouvées.

Le KIX se concentrera initialement sur six thèmes proposés par les gouvernements de pays en développement et des organisations membres comme domaines prioritaires. Les documents de discussion ont été élaborés par des spécialistes des thèmes et cela constitue une première étape pour déterminer les écarts touchant les éléments probants et les connaissances. Ceux-ci ont été développés en consultation avec les experts internationaux et de pays en développement suivants : Luis Crouch, systèmes de données; Kate Anderson, systèmes d’évaluation des apprentissages; Kwame Akyeampong, enseignement et apprentissage; Elaine Unterhalter, égalité des genres; Pauline Rose, équité et inclusion; et Francis Aboud et Kerrie Proulx, soin éducation de la petite enfance.

Le KIX fonctionne rondement

Le KIX devrait se dérouler au cours des prochains mois. Les premières étapes comprennent l’établissement des carrefours régionaux et le lancement de l’appel aux subventions mondiales du KIX.

Plus tôt ce mois-ci, nous avons lancé un appel à l’expression d’intérêt  aux organisations désireuses de poser leur candidature afin de devenir des partenaires d’apprentissage pour les carrefours régionaux. Ces partenaires faciliteront l’apprentissage et l’échange entre pairs parmi les pays partenaires du GPE.

La semaine prochaine, nous lancerons le premier appel aux subventions mondiales du KIX afin de développer les connaissances et les éléments probants pour l’adoption, l’adaptation et la mise à l’échelle des innovations prometteuses dans les pays du GPE. Les subventions mondiales financeront les projets en soutenant l’adoption, l’adaptation et la mise à l’échelle d’innovations prometteuses au sein des pays du GPE dans six domaines thématiques. Nous prévoyons que ces subventions amélioreront notre compréhension de la manière de mettre à l’échelle des réponses novatrices, rentables et durables en éducation au sein des pays partenaires du GPE.

Des éléments supplémentaires seront mis en œuvre au cours de la prochaine année, y compris la plateforme numérique du KIX, la mise sous contrat d’un partenaire de recherche qui accompagnera toutes les subventions du KIX, et le lancement des subventions régionales du KIX dans quatre régions. Les mises à jour seront disponibles sur la page Web du KIX et par la liste d’envoi.

Nous sommes très enthousiastes quant à cette entreprise conjointe et avons hâte de travailler avec les pays et organisations partenaires dans le monde entier pour accélérer le rythme du changement et améliorer la qualité de l’éducation pour les enfants les plus démunis.

Cet article paraît également sur le site du Partenariat mondial pour l’éducation