Tirer parti de l’éducation numérique, de la technologie et de l’innovation pour promouvoir l’égalité des genres

Par: Erin Gilchrist Posted: 29 mars 2023
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Source: CRDI/Alejandra Vargas-Garcia

Le thème prioritaire de la Commission de la condition de la femme de l’ONU pour 2023 était le changement technologique et l’éducation à l’ère numérique pour parvenir à l’égalité des genres et à l’autonomisation de toutes les femmes et les filles. La pandémie de COVID-19 a favorisé l’apprentissage en ligne dans de nombreuses régions du monde. Les innovations en matière de technologies éducatives ont aidé la population étudiante à accéder à une éducation de qualité dans divers contextes, mais un fossé numérique croissant reflète des inégalités auxquelles il faut remédier. Une recherche de qualité élevée s’avère essentielle pour concevoir de telles innovations afin de favoriser un accès équitable à une éducation de qualité, de renforcer l’égalité des genres et l’inclusion, et de comprendre comment mettre à l’échelle des approches efficaces dans des contextes fragiles et à faibles revenus.

Ce blogue présente les principales idées émises lors d’un événement parallèle de la Commission de la condition de la femme sur l’exploitation de la technologie numérique, de l’éducation et de l’innovation pour l’égalité des genres dans les pays du Sud, organisé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI).

La table ronde était animée par Naser Faruqui, directeur de l’éducation et des sciences au CRDI, qui était accompagné de représentants de trois projets de recherche soutenus par le CRDI. Claudia Sugimaru a représenté le projet Conecta Ideas, financé par le CRDI, qui évalue l’adaptation et l’extensibilité d’une innovation numérique en mathématiques au Pérou. Les deux autres panélistes, Larysa Lysenko et Jasmine Turner, représentaient des projets financés par le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) Partage de connaissances et d’innovations (KIX), une initiative conjointe du PME et du CRDI. Larysa représentait le projet KIX, Utiliser la technologie pour améliorer l’alphabétisation dans les pays du Sud, qui utilise des logiciels d’alphabétisation pour améliorer les résultats d’apprentissage au Kenya, au Rwanda et au Bangladesh. Jasmine représentait le projet KIX, Favoriser l’impact au moyen de technologies éducatives novatrices : forger des liens entre les politiques, la recherche et la pratique, qui développe une technologie de jeu sur mesure conçue pour s’attaquer à la qualité de l’apprentissage, à la portée, à l’équité et aux défis auxquels sont confrontés les réfugiés et les enfants déplacés. L’honorable Marci Ien, ministre canadienne des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse, s’est jointe à la table ronde et a prononcé le mot de la fin.

« Comprendre l’éducation à l’ère numérique – y compris ses défis et ses opportunités – constitue une étape nécessaire pour garantir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles, dans toute leur diversité. »

L'Hon. Marci Ien, ministre canadienne des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse

Normes de genre : Le défi et l’opportunité

L’accès équitable aux technologies éducatives est fortement influencé par les normes de genre en vigueur, lesquelles déterminent qui peut acquérir et utiliser les outils numériques et peuvent limiter la participation de certains groupes à l’éducation. Par exemple, les responsabilités familiales sont souvent attribuées en fonction du genre: les jeunes garçons peuvent être amenés à travailler ou à garder le bétail, tandis que de nombreuses jeunes filles se voient confier les responsabilités ménagères et les soins. Ainsi, les enfants ne bénéficient pas de l’apprentissage nécessaire pour soutenir leur famille. Lorsque les jeunes vont à l’école, une grande partie de leur matériel pédagogique renforce ces stéréotypes de genre. Par exemple, les manuels scolaires peuvent être remplis d’images de mariages hétérosexuels, de femmes dépeintes comme des soignantes et d’hommes présentés comme des travailleurs solides.

Toutefois, en développant et en mettant en œuvre des technologies éducatives axées sur l’égalité des genres, l’équité et l’inclusion, ces projets conçoivent des innovations numériques qui reconnaissent et remettent en question les normes sexospécifiques et contribuent à construire des sociétés plus égalitaires. Le personnage principal du logiciel du projet « Utiliser la technologie pour améliorer l’alphabétisation » est une fille qui aime l’aventure. Le projet « Conecta Ideas » conçoit des activités mathématiques qui remettent en question les stéréotypes, en rendant les femmes visibles dans des rôles de direction et d’affaires et en représentant les hommes en train de faire des travaux ménagers. Les normes assurent également que les spécialistes apparaissant dans leurs modules de formation vidéo soient principalement des femmes qui servent de modèles pour inciter les filles à s’intéresser aux mathématiques.

« Lors de l’un des ateliers de cocréation avec les enfants, les filles ont dit qu’elles voulaient que leur personnage soit un joueur de soccer. Les garçons ont ri parce que c’était “impossible”, alors bien sûr, il y a un personnage féminin dans le jeu ».

Jasmine Turner, War Child Hollande

Le corps enseignant, moteur de l’intégration des technologies éducatives

En fin de compte, le corps enseignant joue un rôle crucial dans les résultats d’apprentissage en classe, et les technologies éducatives constituent des outils utiles qui peuvent contribuer à leur réussite. Il est important de noter que dans les contextes sans corps enseignant – comme dans les situations de conflit ou pour les populations déplacées – les technologies éducatives peuvent combler le fossé d’apprentissage. Une fois les enseignants et enseignantes disponibles, les outils numériques peuvent les aider à obtenir de meilleurs résultats d’apprentissage. Pour cela, le corps enseignant doit avoir accès aux technologies éducatives et être en mesure de les utiliser pour soutenir l’apprentissage, mais aussi les objectifs d’égalité des genres.

Certains projets offrent un soutien unique aux enseignantes. Par exemple, des chercheurs et chercheuses du projet « Utiliser la technologie pour améliorer l’alphabétisation », ayant constaté que de nombreuses enseignantes avaient du mal à s’offrir des forfaits de données adéquats pour accéder aux ressources en ligne, ont établi un partenariat avec une grande entreprise de télécommunications du Kenya, qui a proposé des tarifs réduits pour les forfaits de données permettant d’accéder aux ressources numériques du projet.

Les projets portent également sur la capacité des enseignants et des enseignantes à utiliser avec succès les technologies éducatives pour une éducation respectueuse de l’égalité des genres. Les possibilités de développement professionnel permettent au corps enseignant d’apprendre à repérer et à traiter les inégalités entre les genres en classe, par exemple en veillant à ce que les rôles de direction en classe soient attribués à des élèves de tous les genres. L’élaboration et l’utilisation d’outils sexospécifiques pour mesurer et analyser la manière dont les élèves réagissent au matériel peuvent également aider les enseignants et les enseignantes à s’assurer que les enfants tirent profit de l’innovation.

« La production de rapports d’évaluation à partir des données individuelles des élèves permet au corps enseignant d’adapter son contenu à leurs besoins. Le développement professionnel du monde professoral contribue à renforcer sa capacité à enseigner en tenant compte de l’égalité des genres. »

Larysa Lysenko, Université Concordia

Le contexte compte : La mise à l’échelle des innovations dans le domaine des technologies éducatives

Bien que précieuse, la conception d’innovations numériques tenant compte de la dimension de genre pour fournir des contenus d’apprentissage au corps enseignant et aux enfants n’est pas suffisante. Il est essentiel de veiller à ce que ces innovations soient transposées à plus grande échelle et intégrées dans les programmes nationaux, tant pour la formation du monde professoral que pour l’apprentissage des élèves. À cette fin, les recherches soutenues par le CRDI et le KIX ont permis de tirer d’importants enseignements sur la manière de transposer à plus grande échelle des approches efficaces dans des contextes fragiles et à faible revenu.

Les trois projets ont noté qu’un large éventail de partenariats figure au cœur de la réussite des efforts de transposition à plus grande échelle. En cocréant des recherches et des solutions en collaboration avec le corps enseignant et le monde étudiant, ces projets doivent permettre aux innovations numériques de relever les bons défis, de la bonne manière. L’implication des ministères de l’éducation dans le processus de cocréation peut contribuer à renforcer leurs capacités à utiliser ces innovations et augmente considérablement la probabilité d’adoption au niveau national. Cependant, ces projets ont noté qu’un engagement significatif avec les décideurs et décideuses sur le plan local peut également constituer un catalyseur important pour un changement à l’échelle nationale.

L’importance des partenariats pour adapter la technologie au contexte ainsi qu’aux utilisatrices et utilisateurs locaux constitue un autre élément vital pour la mise à l’échelle efficace des innovations en matière d’éducation numérique. En s’harmonisant avec les systèmes, les infrastructures et les priorités stratégiques existants, ces projets garantissent que leurs interventions sont pertinentes, adaptées au contexte et bien positionnées pour être utilisées. Lorsqu’il s’agit de concevoir et de mettre en œuvre des technologies éducatives sensibles au genre, les projets doivent être élaborés à partir d’une compréhension approfondie des normes et des attentes culturelles.

« La connaissance du contexte local s’avère importante. Les innovations ne peuvent être mises à l’échelle dans le vide. »

Claudia Sugimaru, Group for the Analysis of Development (GRADE)

La Commission de la condition de la femme des Nations Unies joue un rôle essentiel dans la promotion de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes dans le monde. Le thème prioritaire choisi chaque année représente un domaine d’action essentiel pour accélérer l’égalité. Il est intéressant de noter que, cette année, la Commission reconnaît l’éducation à l’ère numérique comme un élément catalyseur de l’égalité des genres. Son Excellence l’ambassadrice Mathu Joyini, présidente de la 67e Commission de la condition de la femme, a expliqué que « les technologies numériques apportent des avancées uniques pour l’autonomisation des femmes et des filles, mais donnent également lieu à de nouveaux défis pour les droits des femmes et des filles. La technologie et l’innovation évoluent rapidement, et une grande partie du cadre normatif mondial en la matière reste à définir ». Les membres participant à cet événement parallèle ont démontré l’énorme potentiel des technologies éducatives pour renforcer l’accès équitable à une éducation de qualité et la façon dont la recherche de qualité élevée aide à atteindre cet objectif à grande échelle.