L’étude de cadrage commandée par le programme Partage de connaissances et d’innovations du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE KIX) et mise en œuvre par Education Development Trust (en anglais) a proposé un cadre pour la conceptualisation de la résilience du système éducatif dans les plans et politiques qui comprend cinq composantes – renforcement global du système, anticipation des risques, planification, intervention et rétablissement en temps de crise, ainsi que prévention et atténuation des perturbations futures, en plus de l’égalité des genres et de l’inclusion sociale (EGIS) en tant que considération transversale.
L’élément anticipation du cadre est étroitement lié à la planification – il demande aux décideuses et décideurs politiques ainsi qu’aux responsables de la planification de déployer des politiques, des procédures et des mesures d’urgence pour faire face à des perturbations « connues » qui peuvent ressembler à des crises passées ou actuelles et se dérouler dans le présent. Il doit également prévoir des perturbations « inconnues », de nouveaux changements qui nécessitent un certain niveau de prévision des perturbations à venir.
Notre étude de cadrage a montré que les gouvernements et les ministères de l’Éducation ne sont généralement pas préparés aux perturbations « inconnues » et que les approches de réflexion prospective peuvent être clés pour permettre aux décideuses et décideurs politiques ainsi qu’aux responsables de la planification de penser et d’agir à long terme et de manière anticipative.
L’examen des plans du secteur de l’éducation et les entretiens menés dans le cadre de l’étude de cadrage ont montré que les risques recensés par les parties prenantes reposaient largement sur des expériences passées et étaient davantage réactifs que proactifs, par exemple en Éthiopie, où les déplacements de population sont dus à des conflits internes ainsi qu’à des catastrophes d’origine climatique, telles que les inondations et les sécheresses prolongées. Les tendances futures repérées étaient limitées, mais comprenaient l’urbanisation et l’apprentissage numérique.
Les approches prospectives impliquent l’exploration, l’anticipation et la préparation de scénarios futurs : il s’agit d’un mode de pensée conçu pour faire face à l’incertitude. Le terme avenir est généralement utilisé pour désigner des approches systématiques de réflexion sur l’avenir et d’exploration des facteurs susceptibles d’engendrer des caractéristiques, des événements et des comportements futurs possibles et probables. La prospective fait ensuite référence aux méthodes et outils particuliers pour mener à bien ce travail – il n’y a pas qu’une seule bonne façon de faire de la prospective et les outils peuvent être adaptés à différentes situations et à différents besoins.
Ce que l’avenir et la prospective offrent aux systèmes éducatifs
Les approches prospectives ont le potentiel d’aider les décideuses et décideurs politiques ainsi que les parties prenantes du développement international à anticiper des avenirs inconnus dans un contexte d’incertitude, en s’appuyant sur l’expérience passée ainsi que sur les efforts stratégiques visant à anticiper les tendances, les défis et les opportunités à venir. La réflexion et la planification à long terme que les travaux de prospective facilitent constituent le fondement d’un changement transformateur et pourraient représenter une voie importante pour l’investissement à long terme dans la transformation des systèmes éducatifs et la résilience.
Ces méthodologies sont particulièrement prometteuses pour les personnes travaillant dans le domaine de la gouvernance et de la planification de l’éducation dans cinq domaines clés : 1) l’anticipation d’un avenir inconnu; 2) l’élaboration de multiples scénarios pour l’avenir; 3) la détermination de menaces, de risques et de défis potentiels; 4) l’engagement de diverses parties prenantes dans des processus de consultation; 5) la conception et la commande de recherches anticipatives.
La réflexion et les outils de prospective permettraient aux décideuses et décideurs politiques ainsi qu’aux responsables de la planification d’élaborer de multiples scénarios sur ce que pourrait être l’avenir en fonction de tendances et de variables telles que les évolutions technologiques, démographiques et économiques. Ils peuvent également déterminer les menaces potentielles, les risques, les questions émergentes et les opportunités. En envisageant un éventail de possibilités, les responsables politiques peuvent mieux envisager l’avenir inconnu ainsi que les éventualités et prendre des décisions plus éclairées.
Les exercices de prospective permettent d’impliquer efficacement un large éventail de parties prenantes et de prendre en compte d’autres points de vue dans le cadre d’un processus de collaboration, telles que la population étudiante et les groupes marginalisés afin de mieux comprendre les attentes, les préoccupations et les aspirations concernant l’avenir de l’éducation. L’étude de cadrage a révélé que ces voix et ces considérations étaient largement absentes de la planification existante, ce qui rend l’inclusion encore plus importante.
La réflexion prospective peut également aider les décideuses et décideurs en matière d’éducation à concevoir et à commander des recherches anticipatives, à définir les tendances et leurs impacts potentiels et à comprendre comment des changements proactifs peuvent répondre aux défis et aux opportunités à venir. L’avenir et la prospective peuvent également créer un espace d’expérimentation et d’innovation, où de nouvelles idées, pédagogies et technologies peuvent être testées et évaluées, et où celles qui sont prometteuses peuvent être développées à plus grande échelle.
Expérience et application de l’avenir et de la prospective dans l’éducation
Dans le cadre de l’étude exploratoire, nous avons réalisé une cartographie des organisations travaillant sur l’avenir de l’éducation et la prospective, qui a fait ressortir l’engagement des organisations internationales dans l’identification de scénarios pour l’avenir de l’éducation ainsi que des menaces et opportunités découlant des tendances mondiales. Les organisations du système des Nations Unies semblent davantage utiliser la réflexion prospective dans le cadre d’un engagement à mieux se préparer face aux risques mondiaux. Le projet du Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement de l’OCDE et de Future of Education and Skills 2030 (en anglais) ont contribué à la réflexion sur les connaissances, les compétences et les valeurs dont la population étudiante a besoin pour s’épanouir dans l’avenir. En outre, il existe un certain nombre d’organisations universitaires et de cabinets conseils spécialisés dans l’utilisation d’outils et de méthodes de prospective dans leur travail, principalement basées dans les pays du Nord, souvent fortement axées sur le soutien à l’innovation.
Le système des Nations Unies démontre l’importance de la collaboration interdisciplinaire. Le programme Prospective et Avenir du PNUD travaille depuis de nombreuses années à renforcer la capacité des gouvernements à anticiper et à répondre aux défis et opportunités émergents et a développé une série d’outils qui peuvent être utilisés dans le cadre de processus collaboratifs et participatifs. Le réseau UN Futures Lab (en anglais) s’efforce de donner à toutes les parties du système des Nations Unies les moyens d’utiliser la prospective et l’avenir dans leur planification.
L’objectif du Programme de l’UNESCO sur les futurs de l’éducation consiste à « réimaginer comment la connaissance et l’apprentissage peuvent façonner l’avenir de l’humanité et de la planète » et continue de s’appuyer sur son rapport phare de 2021 « Repenser nos futurs ensemble: un nouveau contrat social pour l’éducation », soit une recherche thématique sur l’avenir de l’apprentissage numérique, la refonte des connaissances et le renouvellement du contrat social pour l’éducation. Au sein de l’UNICEF, les consultations pour l’étude de cadrage ont fait état d’un désir accru d’utilisation de la réflexion prospective de la part des bureaux nationaux et d’un engagement à développer les compétences et les capacités dans ce domaine. Le Office of Research and Foresight (en anglais) applique des méthodes d’anticipation et de prospective pour regarder le monde avec les yeux d’enfants. Le rapport annuel de l’UNICEF, « Perspectives pour les enfants » (en anglais), continuera d’envisager divers avenirs afin de mieux anticiper les défis et les opportunités d’assurer un monde plus équitable pour les enfants.
Conclusion
Comme l’a montré l’étude de cadrage, les bailleurs de fonds, ainsi que les pays se concentrent sur les défis actuels et sur la planification à court terme. Ceux-ci ne prennent pas suffisamment de mesures ou n’investissent pas à grande échelle pour anticiper les risques et les opportunités à plus long terme en dehors des pratiques habituelles des décideuses et décideurs politiques ainsi que des responsables de la planification, malgré l’important potentiel de l’approche en matière de résilience et de transformation. Sommes toutes, la réflexion sur l’avenir et la prospective peut contribuer à renforcer la résilience et la capacité d’adaptation des systèmes éducatifs afin de faire face à des avenirs complexes et incertains. Pour intégrer efficacement ces outils et perspectives dans les systèmes de planification, il faudra des ressources financières et des fonds, ainsi que le développement de compétences et d’expériences parmi les organisations de recherche et de politique dirigées par les pays du Sud.
Ce travail a été soutenu par le programme Partage de connaissances et d’innovations du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE KIX), une initiative conjointe avec le Centre de recherches pour le développement international (Canada).