Le dialogue peut combler le fossé entre la politique et la recherche : Réflexions tirées du Symposium du KIX

Par: Dre Margaret Nampijja,Betty Akullu Ezati Posted: 16 janvier 2023
UNESCO IICBA

Photo : Les personnes participantes au Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21, au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, du 4 au 6 octobre 2022.

De nombreuses recherches sont menées dans l’espoir d’éclairer les perspectives et de déboucher sur des actions politiques. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas dans de nombreux pays d’Afrique, notamment dans le secteur de l’éducation, où de nombreux extrants de recherche restent inutilisés. Les décisionnaires politiques de nombreux pays d’Afrique n’utilisent pas couramment les données probantes ou les résultats de la recherche en vue de prendre des décisions. Cela est dû en partie à la demande apparemment faible et à l’appréciation de la recherche par les décisionnaires politiques, au langage technique utilisé dans les rapports de recherche qui limite son utilisation pratique, et au manque de forums permettant le dialogue entre chercheures, chercheurs et décisionnaires politiques. Ce sont ces lacunes que les décisionnaires politiques ainsi que les chercheures et chercheurs qui se sont réunis, pendant trois jours, lors d’un symposium entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21 du KIX du GPE, à Addis-Abeba, en Éthiopie, du 4 au 6 octobre 2022, ont espéré inverser. Nous, les auteures de cet article, avons participé au symposium en tant que chercheures, présentatrices, présidentes de séances et rapporteurs.

 En dehors du symposium, nous sommes également impliqués dans le cadre des projets de recherche actuels du KIX et dans les séminaires et activités de renforcement des capacités du KIX au Kenya (Margaret Nampijja) et en Ouganda (Betty Ezati).

Le Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX a permis à plus de 280 parties prenantes de l’éducation de 51 pays d’explorer, d’échanger et de discuter des données de recherche sur les résultats d’apprentissage des élèves en Afrique subsaharienne, ainsi que des innovations qui améliorent ces résultats. Le symposium visait à combler le fossé entre la recherche et la politique en donnant de l’ampleur aux données probantes provenant de l’Afrique subsaharienne et en mettant des chercheures comme nous en contact direct avec les décisionnaires.

Le dernier jour du symposium, les personnes participantes ont été regroupées en deux catégories : chercheures et chercheurs et personnel de l’éducation/parties prenantes politiques, afin de réfléchir et de formuler des conclusions, des leçons et des recommandations pour l’avenir. Nous avons été choisies afin de modérer et présenter les points de chaque groupe à la plénière principale. Vous trouverez ci-dessous les réflexions qui ont émané des deux groupes.

La prise de conscience la plus importante ressentie par les personnes participantes est que les chercheures et chercheurs ainsi que les décisionnaires doivent faire un plus grand effort afin de collaborer et de participer à un dialogue. Le manque actuel de collaboration a de répercussions négatives sur les résultats d’apprentissage des enfants, sur leur passage dans les classes supérieures et leur maintien à l’école, et finalement sur leur réussite tout au long de leur vie. Trop souvent, la recherche en matière d’éducation est sous-évaluée, sous-financée et sous-utilisée, et elle tombe dans l’oubli en devenant progressivement obsolète.

Afin de combler le fossé actuel entre la recherche et l’élaboration des politiques, il faudra un dialogue, une discussion et une collaboration constants entre les chercheures et chercheurs et les responsables des politiques et des décisions en matière d’éducation, non seulement lorsque les résultats seront prêts, mais aussi tout au long du processus de recherche, y compris la détermination du problème et des données probantes nécessaires, l’exécution de la recherche, l’élaboration d’une compréhension commune à partir des résultats et l’utilisation des résultats pour un changement dans les politiques. Cette étroite collaboration tout au long du processus de recherche peut permettre d’harmoniser les intérêts de la recherche avec les exigences des politiques. Ce lien entre les deux parties est également susceptible d’aboutir à une meilleure appréciation et à une plus grande demande de données probantes et pourrait permettre de surmonter des obstacles courants tels que la politisation des données probantes de la recherche. Cela permettra d’améliorer la mise à l’échelle ainsi que la durabilité des résultats de la recherche.

Nous devons veiller à l’harmonisation étroite du programme de la recherche en éducation avec les besoins politiques actuels. Pour ce faire, les ministères de l’éducation doivent cerner les principaux domaines de recherche, les communiquer aux universités et instituts de recherche, ainsi que les aider financièrement à mener leurs recherches. Ces étapes exigent que la recherche soit intentionnelle et axée sur la demande. Toutefois, ce modèle de collaboration doit être mûrement réfléchi afin d’éviter tout conflit entre les chercheures et chercheurs ainsi que les décisionnaires politiques, de même qu’un scénario dans lequel les décisionnaires politiques prennent le contrôle de la recherche et absorbent les intérêts et les motivations des chercheures et chercheurs et de leurs établissements.

Deuxièmement, les chercheures et chercheurs devraient présenter et communiquer les résultats de la recherche dans un langage moins technique qui est facilement compréhensible par les décisionnaires politiques afin d’encourager leur application dans la prise de décision. Pour cela, il faut que les données probantes générées soient bien synthétisées et que les implications politiques et les recommandations des chercheures et chercheurs soient claires. Les chercheures et chercheurs pourraient présenter leurs résultats sous la forme de courtes notes d’orientation, de résumés visuels et d’autres moyens clairs, créatifs et pratiques.

Troisièmement, les gouvernements africains doivent réserver et augmenter le financement de la recherche et créer des départements responsables de la recherche afin de promouvoir la réalisation de recherches pertinentes pour une prise de décision davantage éclairée. Dans de nombreux pays, les projets de recherche, les départements responsables de la recherche et les chercheures et chercheurs eux-mêmes sont cruellement sous-financés et insuffisamment soutenus. Il est également important d’encourager les établissements de formation du personnel enseignant à inclure la recherche dans les programmes de formation. Cela permettra aux personnes diplômées de la formation du personnel enseignant d’effectuer des recherches concernant leur pratique, ce qui pourrait améliorer la qualité des expériences et des résultats d’apprentissage. La création de départements responsables de la recherche au sein des ministères de l’Éducation contribuerait grandement à renforcer la prise de décision fondée sur des données probantes et à surveiller l’application de la recherche dans les politiques. Les ministères doivent mettre en place des systèmes de recherche où le numérique est présent, notamment des bases de données numériques en mesure d’héberger de nouvelles données, d’en permettre l’accès et d’en faciliter la visualisation afin d’éclairer la prise de décisions en temps réel.

Dans une perspective globale, il est important pour les gouvernements d’utiliser une approche de triangulation qui permet l’échange de connaissances et l’apprentissage entre les différentes parties prenantes de l’espace éducatif (personnel de l’éducation, parents, communautés, chercheures et chercheurs, facilitatrices et facilitateurs, bailleurs de fonds et décisionnaires) pour des politiques et des pratiques davantage éclairées. Le Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21 a fourni une plate-forme utile où différentes parties prenantes de l’éducation ont pu examiner ensemble les questions clés de l’éducation et discuter de la façon dont la transformation souhaitée peut être réalisée pour de meilleurs résultats d’apprentissage, et finalement contribuer au capital humain qui est essentiel pour notre continent.

Le symposium a réuni des chercheures et chercheurs et des parties prenantes politiques qui opèrent généralement à l’échelle nationale. Ce forum peut être reproduit à différentes échelles, de l’école au district, en passant par l’échelle régionale et nationale. Par exemple, les questions soulevées et discutées à l’échelle de l’école pourraient être transmises pour une discussion plus approfondie et une future inclusion à différents paliers et mises à la disposition des chercheures et chercheurs. Cela améliorerait la pertinence et, par la suite, la mise en œuvre des politiques.

Le dialogue, la collaboration et le partenariat entre les chercheures et chercheurs et les décisionnaires peuvent contribuer à une nouvelle harmonisation du programme de la recherche avec les besoins politiques, conduisant à un plus grand intérêt politique et à une plus grande pertinence sociale des résultats, ainsi qu’à la réévaluation de la recherche, conduisant à un financement et un soutien accrus à la fois des projets de recherche et des départements responsables de la recherche. En fin de compte, avec une culture de recherche plus forte, alimentée par une collaboration fréquente entre les chercheures et chercheurs et les décisionnaires politiques, il y a davantage de chances que les données, les résultats et les recommandations de la recherche soient utilisés dans les décisions qui ont des répercussions sur les élèves de l’Afrique.

Government and policy actors gather to share their learning takeaways during the KIX Africa 19 and KIX Africa 21 Inter-Hub Research Symposium.Photo : Les parties prenantes gouvernementales et politiques se réunissent pour échanger leurs enseignements lors du Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21.Photo: Researchers gather to share their findings and recommendations during the KIX Africa 19 and KIX Africa 21 Inter-Hub Research Symposium.Photo : Des chercheures et chercheurs se réunissent pour échanger leurs résultats et leurs recommandations lors du Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21.Participants share evidence, recommendations, and policy implications during the KIX Africa 19 and KIX Africa 21 Inter-Hub Research Symposium.Photo : Les personnes participantes échangent des données probantes, des recommandations et des implications politiques lors du Symposium continental sur la recherche et l’innovation en éducation du KIX entre les pôles Afrique 19 et Afrique 21.