La priorité au personnel enseignant : Le perfectionnement professionnel en Amérique latine et dans les Caraïbes

Posted: 25 octobre 2021

Ce blogue présente le témoignage unique d’une enseignante dans une école primaire, dans un contexte rural au Honduras. L’histoire de Silvia est tirée d’une étude de cas produite par un projet financé par le CRDI sur le perfectionnement professionnel des enseignants et enseignantes - Favoriser le perfectionnement professionnel du personnel enseignant à l’échelle - qui se penche sur les expériences d’apprentissage professionnel pendant la pandémie. Il s’inspire également des recherches menées dans le cadre de deux autres projets financés par KIX : Adaptation et mise à l’échelle d’approches de perfectionnement professionnel des enseignants au Ghana, au Honduras et en Ouzbékistan et Pôle régional du KIX pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes.

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Source: GPE/Kelley Lynch

Silvia est une jeune enseignante de niveau primaire dans une école rurale éloignée au Honduras. Silvia possède un diplôme universitaire et une qualification en enseignement. Au fil des ans, Silvia a acquis des qualifications professionnelles supplémentaires en technologie de l’information et des communications (TIC), en anglais et en gestion des ressources humaines.

En compagnie d’une autre enseignante, Silvia enseigne et gère une école de 30 élèves de la première à la neuvième année. L’école manque cruellement de ressources, si bien que Silvia ne dispose que de son téléphone cellulaire et de son ordinateur personnel pour ses communications personnelles et professionnelles

Lorsque la COVID-19 a frappé, la vie de Silvia a été bouleversée. Enseigner est devenu un cauchemar. Elle n’avait jamais été formée pour enseigner en ligne et n’avait pas accès à des ressources pédagogiques pertinentes. Ses élèves ne pouvaient pas suivre les cours en ligne parce que la majorité des parents ne possédaient pas de téléphone intelligent ou n’avaient pas les compétences nécessaires pour utiliser les plateformes d’apprentissage en ligne. Dans les pires des cas, ils n’avaient absolument pas les moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants.

L’histoire de Silvia illustre les défis liés au perfectionnement professionnel des enseignants (PPE) en Amérique latine et dans les Caraïbes (ALC), en particulier pour le personnel enseignant établi dans des zones rurales éloignées, où l’accès à la technologie est limité ou inexistant.

Mais même pour les enseignants qui vivent dans les zones urbaines, les défis sont également importants en tout ce qui touche à la technologie, au réseau électrique et à la connectivité à l’Internet. Pour plusieurs personnes comme Silvia, qui avaient besoin d’accéder à du matériel en ligne et de nouvelles compétences numériques pour continuer à enseigner en utilisant des plateformes en ligne, les défis de la pandémie ont été sans précédent.

Ce que lègue un bon enseignant se retrouve dans chaque adulte qui obtient du succès. « Un enseignant est une variable importante qui s’inscrit dans la qualité de l’éducation au niveau de la classe », déclare Rafer Gordon, expert en éducation à l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECS). Il a été l’un des orateurs à l’occasion d’un webinaire axé sur la conversation KIX - une série de réunions tenues exclusivement par le pôle régional KIX pour l’ALC.

Selon M. Gordon, en Amérique latine et dans les Caraïbes « les bons enseignants profitent aux élèves pendant au moins deux ans après avoir cessé de leur enseigner. La qualité des enseignants peut combler les lacunes sur le plan de la réussite dans les écoles primaires et secondaires ». « Mais les recherches ont montré que la majorité des enseignants et enseignantes de la région de l’ALC ne sont pas formés en pédagogie; l’évaluation et la croissance ne sont pas systématiquement effectuées et assurées et il y a un manque de mise en réseau, d’encadrement et de normes », ajoute-t-il.

En prenant la parole lors du même webinaire, Denise Vaillant, directrice académique de l’Institut de l’éducation de l’Université de l’Uruguay, s’est dite d’accord avec l’évaluation de M. Gordon. « Les enseignants et enseignantes doivent constamment se perfectionner dans leur profession, s’adapter et adopter de nouvelles méthodes d’enseignement. La COVID-19 rend visible ce qui était invisible, le fossé des inégalités se creuse et les enseignants ont besoin d’une formation continue pour s’adapter à leurs nouveaux contextes. »

Pourtant, des enseignants et enseignantes comme Silvia, qui ont le plus besoin du PPE, sont contraints de renoncer aux possibilités de formation lorsqu’elles se présentent. « Ils nous retirent de l’école et comme la plupart des écoles rurales ont moins de personnel enseignant, les élèves sont livrés à eux-mêmes », explique Silvia. «  C’est la partie avec laquelle je n’ai jamais été d’accord : Je ne peux pas quitter l’école et laisser les enfants livrés à eux-mêmes. »

De nombreux enseignants et enseignantes sont tenus à l’écart du PPE en raison de conflits entre les horaires de formation et de travail et du manque de possibilités de formation et de ressources. « Le PPE doit être valorisé comme une dimension indispensable de la vie professionnelle du personnel enseignant », affirme M. Gordon. « Il ne doit pas être perçu comme un ajout, mais plutôt faire partie intégrante du travail effectué. »

Une partie du problème réside dans le fait que le PPE n’est souvent pas harmonisé avec les besoins du personnel enseignant, laissant aux enseignants et enseignantes comme Silvia l’obligation de prendre le PPE entre leurs propres mains. « Le PPE dans la région de l’ALC a échoué parce que les modèles actuellement en place ne sont pas les plus stratégiques », estime Mme Vaillant. « Les enseignants et enseignantes suivent les modèles d’enseignement qu’ils voient dans les écoles au-delà de ce qu’ils ont appris dans les établissements de formation ». Elle croit que le PPE doit être adapté aux besoins des enseignants et enseignantes à différentes étapes de leur vie, « depuis le moment où ils font leur entrée dans le monde de l’enseignement jusqu’à leur retraite ». Mme Vaillant recommande de « repenser le PPE pour la région de l’ALC (de manière à) reconnaître les contextes changeants dans lesquels le personnel enseignant travaille et les limites de leurs ressources, de même qu’à implanter des innovations. »

Le Partenariat mondial pour l’échange de connaissances et d’innovations dans le domaine de l’éducation (KIX) soutient les solutions dans la région en finançant un projet intitulé Adaptation et mise à l’échelle d’approches de perfectionnement professionnel des enseignants au Ghana, au Honduras et en Ouzbékistan. Le projet, également appelé « TPD@Scale » (« le PPE@l’échelle ») en abrégé, présente de nouvelles méthodes de travail en ce qui a trait au perfectionnement professionnel du personnel enseignant et « vise à produire et à partager des connaissances afin d’influencer l’élaboration des politiques et de soutenir le renforcement des capacités », explique Dante Castillo, qui dirige les recherches du KIX au Honduras.

Comme toutes les activités du KIX, la recherche commence par les besoins des utilisateurs. Au Honduras, une analyse contextuelle a permis de déterminer les besoins en TIC du personnel enseignant des zones rurales, semi-urbaines et urbaines ainsi que des institutions gouvernementales responsables du PPE. La recherche examine les modèles actuels de PPE, la manière dont le personnel enseignant accède au contenu (et avec quels appareils), le soutien des pairs et des experts à leur disposition et le rôle des directions scolaires dans le soutien des initiatives de PPE.

« Le PPE@l’échelle consiste à concevoir, à l’échelle, des essais de ce qui fonctionne dans les différents contextes nationaux et à améliorer la conception en vue d’une application locale », explique Victoria Tinio, chef de projet pour le projet de PPE@l’échelle.

Le Honduras s’affaire en ce moment à mettre au point la conception de différents modèles et entreprendra la première phase des essais sur le terrain en octobre 2021 avec 40 enseignants et enseignantes. La deuxième phase commencera en février 2022 et touchera un total de 750 enseignants et enseignantes.

Grâce à ce projet, « KIX vise à exposer les enseignants aux modèles de PPE qui leur conviennent le mieux, qui sont fondés sur des données probantes et, surtout, qui placent l’enseignant ou l’enseignante au centre du PPE », déclare Mme Castillo. « Nous concevons des modèles interactifs qui répondent aux besoins des enseignants et enseignantes au lieu de leur ‘parler’ » Les enseignants doivent s’approprier le processus, les innovations doivent être logiques et les enseignants doivent être convaincus que l’innovation fera une différence dans leur pratique.

Des technologies améliorées représentent la clé de l’augmentation progressive du PPE - pour atteindre et former un plus grand nombre d’enseignants par an. De plus, le développement des technologies de l’information et des communications est essentiel. « Les TIC facilitent l’échange d’expertise et de connaissances et aident à surmonter l’isolement provoqué par la pandémie », déclare le Dr Didacus Jules, directeur de l’OECS.

Les Regards sur l’éducation 2020 de l’Organisation de coopération et de développement économiques indiquent que le PPE aide les enseignants et enseignantes à améliorer leurs compétences et à devenir plus professionnels à différents niveaux de leur carrière. Le rapport recommande au gouvernement et aux dirigeants scolaires de soutenir davantage les initiatives de PPE afin d’améliorer les résultats d’apprentissage des élèves.

Le monde est en constante évolution et le personnel enseignant doit s’adapter et acquérir de nouvelles compétences pour relever les défis sur le plan de l’apprentissage que représentent ces changements. Bien que l’utilité du PPE soit incontestable, les intervenants au webinaire axé sur la conversation du pôle régional du KIX pour les pays de l’ALC sur le perfectionnement professionnel du personnel enseignant ont demandé une évaluation de l’incidence des programmes de PPE, à savoir s’ils donnent effectivement lieu aux résultats souhaités en matière d’enseignement et d’apprentissage ou non.

Le KIX contribue à générer des preuves et à approfondir le partage des connaissances sur les innovations. Selon le Dr Jules, « La connaissance qui repose fermement sur une fondation de données est la devise la plus importante sur la scène internationale qui augmente de manière exponentielle lorsqu’elle est librement partagée, contrairement aux autres formes de richesse qui diminuent au fur et à mesure que vous les partagez. »