En Amérique latine, la société civile utilise la recherche pour modifier les normes culturelles sur la violence sexiste

Par: Giovana Modé,Nelsy Lizarazo Posted: 09 mars 2023

Ce blog a été publié à l'origine sur le site du Partenariat mondial pour l'éducation.

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Source: CLADE

Ce serait une erreur de sous-estimer l'urgence d'éradiquer toutes les formes de violence contre les enfants, y compris la violence sexiste qui a lieu dans et autour des écoles. L'éducation est un moyen de changer les normes et les comportements en promouvant l'égalité des genres par l'éducation.

Pour marquer la Journée internationale des femmes, le GPE a le plaisir de lancer une série de blogs portant sur la façon dont le partenariat fait progresser l'égalité des genres au sein de et par l’intermédiaire de l'éducation.

Nous démarrons avec un blog de la CLADE, un réseau d'organisations de la société civile présentes en Amérique latine et aux Caraïbes, qui aborde la violence sexiste en tirant parti des initiatives « L’Éducation à voix haute » et « Partage de connaissances et d'innovations » du GPE dans leur travail avec les écoles et les communautés.

Il ne faut pas sous-estimer l'urgence d'éradiquer toutes les formes de violence contre les enfants, y compris la violence sexiste qui a lieu dans et autour des écoles. L'éducation est un moyen de changer les normes et les comportements en promouvant l'égalité des genres par l'éducation.

La violence sexiste en milieu scolaire transgresse l'intégrité psychologique, physique et sexuelle des élèves. Celle-ci comprend entre autres les agressions verbales et sexuelles, les abus sexuels, les châtiments corporels et l'intimidation, dont les causes profondes sont liées aux normes et aux stéréotypes sexistes. Elle est souvent exacerbée par les conditions socio-économiques, le sexe, l'âge, le handicap, l'origine ethnique ou nationale.

La violence sexiste à l'encontre des enfants et des adolescents ne concerne pas seulement quelques pays mais est omniprésente dans l’ensemble de la région, et touche aussi bien les filles que les garçons.

Au Honduras, 16 % des femmes et 10 % des hommes âgés entre 18 et 24 ans ont subi des violences sexuelles avant 18 ans. À Haïti, 26 % des femmes et 21 % des hommes (en anglais) ont été victimes de violences sexuelles.

La gravité de cet enjeu a conduit la Campagne latino-américaine pour le droit à l'éducation (CLADE), en collaboration avec Alternatives, à rechercher des approches innovantes pour relier la recherche-action participative aux activités de plaidoyer à l’échelon national.

L'initiative permet aux communautés locales de devenir leurs propres acteurs de changement, avec les coalitions d'éducation membres de CLADE au Honduras (en espagnol), à Haïti et au Nicaragua en tant que facilitateurs.

En définitive, il est nécessaire de promouvoir des changements culturels, des environnements sûrs, la mise en œuvre et l'application des lois en vigueur, ainsi qu'un soutien et des interventions efficaces (en anglais) pour pouvoir transformer profondément la dynamique à l’origine de la violence contre les enfants et les adolescents, y compris la violence sexiste.

Cette initiative, soutenue par le programme Partage de connaissances et d'innovations (KIX) et L’Éducation à voix haute, a un impact sur la remise en question des pratiques qui étaient auparavant normalisées et qui sont devenues un véritable obstacle pour le droit humain à une éducation sans violence, en particulier dans les écoles rurales où ces normes sont plus fortement ancrées.

Des changements culturels depuis et par communautés

L'initiative vise à modifier les pratiques au sein et par l'intermédiaire des communautés, en s'appuyant sur des données probantes locales, et à comprendre comment la violence sexiste se manifeste dans les milieux ruraux. Les données sont produites collectivement avec les communautés. En effet, tout le monde est invité à participer : les enseignants, les familles et surtout les élèves.

La méthodologie, qui est également un processus pédagogique, s’appuie sur le modèle de la recherche-action participative qui est étroitement lié à la transformation sociale et est utilisé depuis des décennies en Amérique latine et aux Caraïbes.

Le projet rassemble les expériences, favorise une interprétation critique des situations et élabore des stratégies de changement pour lutter contre la violence sexiste menées par les communautés elles-mêmes.

Les groupes de discussion et les enquêtes de perception qui ont eu lieu au cours de la première année du projet ont permis à l'équipe de recherche d’acquérir et de mobiliser les connaissances locales.

Les recherches ont révélé que les violences sexuelles et les châtiments corporels persistaient dans les trois pays, ainsi qu'une grande tolérance à l'égard des stéréotypes sexistes qui engendrent les inégalités, la violence et les grossesses précoces.

Les recherches ont également fait ressortir la fragilité des dispositifs de signalement des actes de violence sexiste et le manque général de réponses de la part de l'État aux cas qui lui sont soumis.

Rompre le silence et créer ensemble des stratégies de prévention

La recherche s'appuie sur la culture et la situation de chaque communauté dans les trois pays pour élaborer conjointement des initiatives à court, moyen et long terme.

À Haïti, dans la commune de Saint-Michel de l'Attalaye, les châtiments corporels en tant que pratique acceptée réaffirment les stéréotypes sexistes. La commune enregistre un faible taux d'alphabétisation et les grands-parents jouent un rôle important dans l’éducation des enfants.

En guise de réponse, l'équipe de recherche et la communauté ont mis en œuvre des stratégies de sensibilisation par le biais de campagnes radiophoniques, favorisant ainsi le dialogue et la prise de conscience auprès des parents, des grands-parents et des autorités locales.

À Ojojona, au Honduras, la présence de harcèlement et d'intimidation à l'encontre des adolescentes, l'absence d’instances de dialogue et le nombre croissant de cas d'agressions sexuelles à l'encontre des peuples Garífunas et Lencas ont montré que l'ethnicité représentait un autre facteur de vulnérabilité à prendre en compte.

Sur le site de recherche au Nicaragua, un problème fondamental repose sur la perception de l'insécurité sur le chemin entre le domicile et l'école. Veiller à ce que les camarades accompagnent les filles de la maison à l'école et vice-versa est une mesure qui devrait être immédiatement mise en œuvre par les communautés.

Cette initiative de recherche contribue également à rompre le silence au sein des communautés. Les espaces de dialogue sont essentiels pour examiner les récits qui produisent et reproduisent la violence, ainsi que pour modifier les pratiques et les modèles culturels.

Au Nicaragua par exemple, la réalisation d'une enquête sur la perception de la violence à l'école auprès des adolescents a révélé que les élèves étaient capables de reconnaître des situations de violence, telles que les harcèlements, les humiliations et les châtiments corporels. Reconnaître ces situations constitue une première étape essentielle pour surmonter la dynamique de discrimination.

Plaidoyer en faveur d’une éducation sans violence

Cette initiative présente un terrain propice à l'action. Les coalitions nationales de l'éducation qui mènent les recherches utilisent les résultats pour influencer les politiques dans leur pays et pour participer aux processus de renforcement institutionnel et de plaidoyer au niveau régional.

Cette convergence entre la recherche et le plaidoyer favorise des stratégies innovantes qui reposent sur la recherche locale et les données territorialisées sur la violence sexiste dans les écoles rurales.

Au Honduras, la coalition utilisera les résultats de la recherche pour influencer les politiques nationales et municipales en matière d’éducation et encouragera l'utilisation de cette approche participative auprès d'autres organisations de la société civile.

Au Nicaragua, la coalition travaille avec un partenaire local pour encourager un mouvement communautaire d'adolescents contre la violence dans les zones rurales.

À Haïti, l'utilisation de la radio communautaire et la formation des enseignants font partie d'une stratégie de sensibilisation des communautés et des représentants locaux du ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle.

Plus d’un chemin mène de la recherche à la sensibilisation et à l'action. La meilleure marche à suivre dépend du contexte. Cependant, plus le processus sera associé aux communautés et à leurs expériences, plus les possibilités de changement seront importantes.

Pour obtenir plus d’informations sur cette initiative, veuillez consulter le site web de la CLADE, où un rapport de recherche régional sera publié d’ici la fin du mois.